Le low cost WOW en faillite (màj)

Source Le Monde

La faillite de la compagnie WOW Air inquiète l’économie islandaise
Marie Charrel
Le tourisme est le pilier de la croissance de l’île depuis la crise de 2008
Depuis quelques jours, le douloureux souvenir de la crise de 2008 hante de nouveau les Islandais. A court de cash, incapable de convaincre des investisseurs de lui venir en aide, la compagnie aérienne WOW Air a fait faillite jeudi 28 mars, soulevant une onde de choc dans l’île. A bien des égards, le succès puis la descente aux enfers de ce groupe, né à Reykjavik en 2011, rappelle ceux des banques du pays, devenues énormes avant de s’effondrer, il y a onze ans. Et d’entraîner l’économie entière dans la récession.

Si la débâcle de WOW Air est loin d’être aussi dramatique, ses conséquences ne seront pas négligeables pour la petite île et ses 340 000 habitants. Selon les différentes estimations, elle risque de provoquer une perte de produit intérieur brut (PIB) de 0,9 % à 2,7 %. « Elle pourrait générer une chute du nombre de touristes, car il existe peu de solutions immédiates de remplacement, du chômage, une baisse de la monnaie et donc, de l’inflation », résume dans une note Michel Sallé, docteur en sciences politiques et auteur d’Histoire de l’Islande, des origines à nos jours (Tallandier, 2018).

Le 28 mars, 4 000 passagers ont été privés de vol, tandis que les 1 100 salariés de WOW Air se sont retrouvés sur le carreau. Jamais, dans l’histoire de l’Islande, autant de personnes avaient perdu leur emploi le même jour. Si l’on inclut les fournisseurs et services associés, plus de 3 000 postes sont menacés. La compagnie Reykjavik Excursions a déjà licencié 59 salariés, anticipant la baisse du nombre de visiteurs cet été. De fait, la disparition des vols assurés par WOW Air pourrait provoquer une chute de 16 % du nombre de voyageurs ces prochains mois, selon la banque islandaise Arion, le temps que d’autres compagnies prennent le relais. Un manque à gagner considérable pour le secteur.

Or, celui-ci est essentiel à l’économie de l’île volcanique. Après l’effondrement des banques en 2008, le tourisme a tiré la reprise de l’activité. Aujourd’hui, il pèse 23 % du PIB, et génère 42 % des revenus en devises étrangères : c’est deux fois plus qu’en 2011. Il faut dire que le nombre de visiteurs, attirés par les paysages sauvages et les aurores boréales, a littéralement explosé, passant de 459 252 en 2010 à plus de 2 millions en 2018. Au point que nombre d’Islandais s’inquiètent : leur île est-elle devenue trop dépendante du tourisme ?

Dans tous les cas, l’effondrement de WOW Air, victime de la concurrence des autres compagnies à bas coûts et de la hausse des prix des carburants, est un sérieux test pour l’île. S’inquiétant du « choc » potentiel, le gouverneur de la banque centrale, Mar Gudmundsson, a insisté sur la résilience de l’économie, bien plus solide qu’il y a une décennie. « Le tourisme a encore beaucoup de potentiel inexploité », a pour sa part assuré Bjarni Benediktsson, le ministre des finances.

Climat social tendu

Reste que ces difficultés interviennent alors que l’économie traverse un sérieux ralentissement. L’institut statistique islandais table sur une croissance de 1,7 % seulement cette année, loin des 4,4 % annuels moyens enregistrés depuis 2014. En outre, le climat social est tendu. L’afflux de touristes depuis 2011 a fait grimper les prix de l’immobilier dans la capitale, Reykjavik, où nombre de logements sont désormais monopolisés par les locations Airbnb. Résultat : les jeunes ont de plus en plus de mal à se loger. Et de nombreux Islandais ont le sentiment que la manne touristique n’a pas profité à tous.

Ces derniers mois, cette frustration s’est traduite par un renouvellement au sein des principaux syndicats, désormais dirigés par des leaders plus radicaux, revendiquant des mesures en faveur du pouvoir d’achat des plus fragiles. Le 3 avril, lors des négociations autour des conventions collectives, ils ont obtenu une hausse progressive du salaire minimum mensuel, de 317 000 couronnes brutes (2 376 euros) aujourd’hui à 368 000 couronnes (2 758 euros) en 2022, ainsi qu’une série de gestes pour les ménages, telles que des baisses de taxes et des hausses de certaines allocations familiales.

Ces mesures vont-elles contrer le ralentissement de l’économie, ou risquent-elles, comme le redoutent certains patrons, d’alimenter l’inflation ? En attendant, le fondateur de WOW Air, Skuli Mogensen, espère encore sauver ce qu’il reste de sa compagnie. Alors qu’une équipe de liquidateurs a été nommée, il aurait approché de nouveaux investisseurs, selon le quotidien islandais Morgunblaoio.
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Source: Les Echos

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