USA: accord sur l’aide aux compagnies aériennes

Les Echos du 16/04/2020

Les compagnies aériennes américaines subventionnées à hauteur de 25 milliards

Arnaud Leparmentier

Les aides accordées par l’Etat fédéral devront être remboursées à hauteur de 30 % dans un délai de cinq à dix ans, tandis que 10 % pourront être converties en actionsNEW YORK -correspondant

L’Etat fédéral américain va renflouer les compagnies aériennes des Etats-Unis à hauteur de 50 milliards de dollars (45,5 milliards d’euros), la moitié sous forme de subventions destinées à payer les salariés, la seconde sous forme de prêts.

Une étape décisive a été franchie, mardi 14 avril, avec l’annonce par le Trésor américain d’un accord de principe sur les 25 milliards de dollars de subventions, alors que toutes les entreprises aériennes américaines sont au bord de la faillite, clouées au sol par l’épidémie due au coronavirus. Le nombre de passagers a été divisé par 20, le nombre de vols réduit des trois quarts, un siège sur dix seulement est occupé par un voyageur payant tandis que 2 200 aéronefs sont immobilisés sur les tarmacs du pays.

L’accord a été approuvé par les dix principales compagnies américaines, notamment American Airlines, Delta, United, Southwest, Alaska et JetBlue. Cette aide faisait partie des 2 200 milliards de dollars d’aides fédérales votées par le Congrès, fin mars. Elle aurait dû être versée début avril, mais sa mise en œuvre achoppait sur les contreparties exigées par l’administration Trump

Ces entreprises ne pourront pas licencier ou mettre en chômage technique leurs salariés contre leur gré avant la fin septembre. L’accord prohibe, par ailleurs, les rachats d’actions et le versement de dividendes jusqu’en septembre 2021, limite la rémunération des dirigeants jusqu’en mars 2022 et impose une desserte minimum (une fois par semaine pour les destinations desservies jusqu’à présent).

Le point délicat portait sur le sort des subventions. Elles devront être remboursées à hauteur de 30 % dans un délai de cinq à dix ans, tandis que 10 % pourront être converties en actions. A l’origine, les directions des compagnies aériennes espéraient recevoir des aides non remboursables, ce qui a conduit à des négociations rugueuses avec le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin. Elles ont tout fait pour éviter une entrée du gouvernement à leur capital. Selon les calculs de la société d’analyse financière Raymond James, le gouvernement pourrait in fine posséder entre 1 % et 3 % du capital de ces entreprises. Southwest mentionne un chiffre inférieur à 1 %.

Les syndicats avaient demandé au gouvernement d’imposer le moins d’exigences possible, craignant que les compagnies préfèrent organiser des licenciements massifs dans une industrie qui emploie 750 000 personnes.

Les transporteurs aériens s’étaient lancés, ces dernières semaines, dans une course éperdue vers les liquidités pour éviter la faillite et mieux négocier avec Washington : Delta avait mis au chômage volontaire quelque 35 000 salariés et gagé des avions pour 2,6 milliards de dollars. Outre la réduction de sa masse salariale, American Airlines s’était assuré un prêt de 1 milliard de dollars, et avait donné en garantie les revenus de sa desserte New York-Londres, qui est l’une des plus rentables. United avait obtenu 2,5 milliards de dollars en hypothéquant des appareils et même des moteurs et des pièces de rechange, révèle le Wall Street Journal. Toutes cherchent aussi à obtenir de leurs banques partenaires l’équivalent des points qu’elles collectent via les cartes de crédit voyageur. Ces dernières semaines, les demandes de remboursement dépassaient les commandes de nouveaux billets.

Une mesure impopulaire

Cette course contre la montre a eu lieu alors que le sauvetage des compagnies aériennes, envisagé dès le début de l’épidémie, s’est révélé très impopulaire.

« Les actionnaires n’ont pas besoin d’être renfloués », estimait l’économiste Thomas Philippon, professeur à la New York University, estimant que ces entreprises avaient parfaitement fonctionné à la fin du XXsiècle en restant des années sous la loi de protection contre les faillites. Les principales compagnies, qui avaient été renflouées après les attentats du 11 septembre 2001, ont été accusées d’avoir utilisé depuis dix ans l’intégralité de leurs liquidités pour racheter leurs propres actions et faire monter leur cours de Bourse.

L’information révélée par l’agence Bloomberg avait été reprise par l’égérie de la gauche américaine, la représentante démocrate de New York, Alexandria Ocasio-Cortez. Cela alors que les prix du transport aérien, cartellisé, sont élevés, que les passagers sont particulièrement maltraités, avec des pratiques commerciales inspirées des compagnies low cost (bagages payants, frais de changement de billets, service à bord exécrable), et que s’ajoutent des retards incessants, dus à l’encombrement de l’espace aérien, aux aéroports sous-dimensionnés et aux intempéries inhérentes au climat nord-américain.

Les accords ne sont pas complètement finalisés ou rendus publics. Pour donner un ordre de grandeur, American Airlines, la compagnie la plus endettée, devrait recevoir 5,8 milliards de dollars et solliciter un prêt supplémentaire de 4,8 milliards (dans le cadre des 25 milliards de prêts qui n’ont pas encore été négociés). United et Delta devraient, selon la presse américaine, recevoir environ 5 milliards de dollars de subventions chacune.

Donald Trump a pu saluer un accord qui protège les salariés, le contribuable et les compagnies. « Nos compagnies aériennes sont désormais en bonne santé et vont pouvoir surmonter cette période très difficile dont elles ne sont pas responsables. »

Source Le Monde du 16/04/2020

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