Vidéosurveillance urbaine

Source Les Echos

La Préfecture de police de Paris privée de ses drones

Source: Le Monde de Jean-Baptiste Jacquin Et Jean-Michel Normand

Le Conseil d’Etat interdit l’usage de ces appareils pour surveiller le déconfinement

Depuis la mi-mars, la Préfecture de police (PP) de Paris a utilisé des drones pour veiller au respect des consignes, dans le cadre des restrictions toujours en vigueur avec la mise en place du déconfinement. Mais le Conseil d’Etat en a décidé autrement : les drones de la Préfecture ne pourront plus décoller jusqu’à nouvel ordre, selon une ordonnance rendue publique lundi 18 mai – publiée en intégralité par le site NextInpact. La plus haute juridiction administrative ordonne « à l’Etat de cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drone » à Paris, dans le cadre du déconfinement.

Le texte infirme un jugement du 5 mai émanant du tribunal administratif de Paris, qui avait été saisi par l’association La Quadrature du Net et par la Ligue des droits de l’homme (LDH). Les deux organisations reprochaient à la PP d’avoir déployé des moyens de capter, enregistrer et exploiter des images d’individus grâce aux caméras des drones, et ceci « hors d’un véritable cadre légal ». Le tribunal administratif n’avait pas donné suite, arguant que rien ne permettait d’établir « que les services de la Préfecture de police auraient utilisé les drones dans des conditions permettant d’identifier les individus au sol ». La Quadrature du Net et la LDH avaient annoncé faire appel afin d’obtenir une « décision plus constructive » de la part du Conseil d’Etat.

Droit au respect de la vie privée

Ce dernier ne remet pas en cause l’utilisation même des drones – du moment que ceux-ci ne visent qu’à informer les policiers au sol pour qu’ils fassent respecter les mesures de distanciations. En revanche, le Conseil d’Etat considère que rien ne garantit que les images recueillies par ces appareils pilotés à distance – qui volent entre 80 et 100 m de hauteur, filment avec un grand-angle et sont équipés d’un zoom optique – ne seront pas utilisées pour « un usage contraire aux règles de protection des données personnelles ».

Même si la Préfecture assure que ces drones ne disposent pas de carte mémoire et qu’aucun enregistrement n’est réalisé à distance, la transmission du flux d’images au centre de commandement ne permet pas d’écarter le risque potentiel qu’une utilisation litigieuse en soit faite. En l’état actuel de la législation, ces photos et vidéos, relève le Conseil d’Etat, ont été obtenues « sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire » susceptible de déterminer les modalités d’utilisation de ces données au regard du droit au respect de la vie privée.

Dans ces conditions, l’ordonnance impose à l’Etat de cesser immédiatement ces opérations de surveillance tant que n’aura pas été adopté « un texte réglementaire, pris après avis de la CNIL [commission nationale de l’informatique et des libertés] » destiné à encadrer spécifiquement les repérages par drone.

Les demandeurs qui, devant le tribunal administratif de Paris, s’inquiétaient de voir la captation d’images par drone servir « un nombre virtuellement infini de finalités, légitimes ou non », sont satisfaits de voir leurs craintes reconnues. « Le Conseil d’Etat rappelle que l’Etat n’a pas le droit de tout faire et que, surtout, il y a des règles à respecter. C’est très important pendant les périodes d’état d’urgence, pendant lesquelles l’Etat recherche à être le plus efficace possible, parfois au risque de piétiner les libertés », a réagi l’avocat de La Quadrature du Net, Alexis Fitzjean O Cobhthaigh. Patrick Spinosi, l’avocat de la LDH, interrogé lundi par Le Monde, souligne : « La seule bonne foi d’une administration ne peut pas suffire dès lors qu’existe le risque d’une atteinte à une liberté fondamentale. »

La CNIL a réagi par communiqué quelques heures après publication de l’ordonnance du Conseil d’Etat, en annonçant avoir déjà « diligenté des contrôles auprès du ministère de l’intérieur concernant l’usage de drones dans plusieurs villes », avec des demandes d’information qui ont débuté le 23 avril et qui sont « en cours d’instruction, en l’attente notamment des éléments de réponse du ministère ». L’institution, protectrice des données personnelles des Français, précise qu’elle « prendra position sur cette question à l’issue des procédures de contrôle en cours ».

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