Enfin ?
Voir aussi https://en.wikipedia.org/wiki/Berlin_Brandenburg_Airport
Le Monde du 01-12-2019
Jean-Michel Hauteville
BERLIN– correspondance
En construction depuis 2006, l’ensemble accueillera ses premières compagnies aériennes avec neuf ans de retard et un surcoût de près de 5 milliards d’euros
Après treize ans de travaux, de nombreux retards et un scandale de corruption, la saga du chantier du futur aéroport international de Berlin toucherait-elle bientôt à sa fin ? Oui, ont affirmé, vendredi 29 novembre, les dirigeants de la société Aéroports de Berlin-Brandebourg (FBB). C’est promis : la nouvelle aérogare ouvrira ses portes le 31 octobre 2020, dernier jour du délai fixé par les responsables du projet, lors de son dernier ajournement, fin 2017.
Voilà déjà plusieurs jours que les Berlinois attendaient la décision de FBB, et les spéculations quant à un énième report de l’inauguration de l’aéroport de Berlin-Brandebourg Willy-Brandt (BER) allaient bon train. Dans la journée de vendredi, l’interruption temporaire du trafic aérien à Schönefeld, le deuxième aéroport de la capitale allemande, en raison de la découverte d’une bombe datant de la seconde guerre mondiale, semblait un bien mauvais présage.
Mais, quelques heures après l’incident, Engelbert Lütke Daldrup, le patron de la société aéroportuaire, était formel : il n’y aura plus de retard. « La date est arrêtée », a insisté M. Lütke Daldrup lors d’une conférence de presse. Ce délai sera respecté au prix de « onze mois de dur labeur », a concédé le dirigeant.« Nous allons procéder à un test intensif d’exploitation, d’avril à octobre 2020. L’aéroport BER pourra alors ouvrir en toute sécurité et fiabilité. » Une semaine après la mise en service du nouveau terminal, Tegel, principal aéroport berlinois, fermera définitivement, a indiqué Engelbert Lütke Daldrup.
De l’aveu du responsable, ce calendrier est ambitieux. Mais, tant pour les dirigeants de FBB que pour les autorités de Berlin et du Brandebourg, l’Etat régional voisin de la capitale, où se situe le chantier de BER, il est plus que temps de mener à bien ce projet qui, à force de déboires, a mis à mal la réputation allemande d’efficacité et est devenu la risée du pays. Ses coûts de construction ont presque quadruplé, de quelque 1,7 milliard d’euros au départ à 6,5 milliards euro aujourd’hui.
Dès le départ, l’entreprise a été laborieuse. Au terme de quatorze ans de planification, le chantier du futur aéroport international a commencé en septembre 2006, non loin de Schönefeld. A l’époque, l’aérogare Willy-Brandt devait alors ouvrir ses portes en octobre 2011. Cependant, à l’été 2010, les premiers contretemps survenaient. Une entreprise impliquée dans la gestion du projet faisait faillite. Les autorités ajournaient alors le rendez-vous à juin 2012.
La démission du maire
Au printemps de cette année-là, l’ouverture de l’aéroport BER semblait imminente. Dans les rues de la capitale allemande, une coûteuse campagne publicitaire préparait les Berlinois à la fermeture prochaine de leurs deux aéroports vieillissants. Mais, à la dernière minute, l’inauguration était repoussée, en raison d’un système de protection anti-incendie défectueux.
Ce rendez-vous manqué de l’été 2012 a constitué le tournant à partir duquel le projet a réellement tourné au fiasco. Au fil du temps, d’autres dysfonctionnements techniques ont été découverts, obligeant FBB à retarder à maintes reprises la date de mise en service. Les procès contre la société aéroportuaire se sont multipliés. La compagnie aérienne Air Berlin, la Deutsche Bahn – qui avait construit une nouvelle desserte ferroviaire –, mais aussi des chefs d’entreprise ruinés, qui devaient ouvrir des commerces dans la nouvelle aérogare, lui ont réclamé des dommages et intérêts.
Pour ne rien arranger, des affaires de corruption ont entaché le chantier. Un chef de service de FBB a été condamné, en octobre 2016, à trois ans et demi de prison ferme et 150 000 euros d’amende pour avoir perçu des pots-de-vin. Au printemps 2017, le parquet de Cottbus (Brandebourg) ouvrait une enquête pour détournement de fonds contre l’ex-directeur technique de BER. Et alors que la société aéroportuaire s’enlisait dans les scandales, la déroute du projet coûtait au maire de Berlin son poste. En août 2014, Klaus Wowereit démissionnait.
Echaudés par tant de déconvenues, les Allemands ont accueilli avec une dose de scepticisme et un brin d’humour l’annonce de la compagnie aéroportuaire. « La date d’ouverture de #BER est fixée au 31 octobre 2020 ! Vous en pensez quoi ? Cela fonctionnera-t-il, cette fois ? », a ironisé sur Twitter Peter Tauber, député de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et proche de la chancelière allemande, Angela Merkel.
Cependant, malgré les railleries, FBB affiche sa détermination. « Nous n’avons pas de quoi fanfaronner, a reconnu Rainer Bretschneider, président du conseil de surveillance, en conférence de presse. Il faut agir de toute urgence. Mais nous y arriverons. »