Le Monde du 10/11/21
Aéronautique : le retour de l’eldorado américain
Guy Dutheil
La réouverture des frontières des Etats-Unis fait le miel des compagnies aériennes
Déjà, les compagnies aériennes se frottent les mains. Avec la réouverture des frontières des Etats-Unis, lundi 8 novembre, c’est la ruée des passagers, même si la porte est pour le moment ouverte pour seulement 32 pays et réservée aux visiteurs doublement vaccinés et testés. Les moteurs de recherche et les sites de réservation en ligne sont pris d’assaut. Kayak a noté une hausse de 552 % du nombre de requêtes pour des vols vers les Etats-Unis depuis que les autorités ont annoncé la levée de la quarantaine. Selon le site, elle est même de 126 % par rapport à la même période de 2019, avant la pandémie de Covid-19.
Cette bousculade fait le miel des compagnies aériennes. Air France a constaté une « augmentation significative des réservations dès la première annonce de la (…) réouverture des frontières », en octobre. Pour l’entreprise, cette « première poussée » a été suivie par « une poursuite des réservations » dès que les autorités américaines ont fixé une date précise, après dix-neuf mois de fermeture. Pour faire face à cet afflux, elle s’est résolue « à augmenter ses capacités ». Le 8 novembre, premier jour de la levée des barrières, elle a effectué quinze vols transatlantiques. Tous étaient « pleins ou quasi pleins ». Rien que pour New York, elle a transporté 1 500 passagers, et 4 200 au total vers ses trois destinations américaines.
Air France n’est pas la seule à avoir le sourire. D’autres compagnies françaises comme Air Caraïbes et La Compagnie profitent aussi de l’aubaine. La réouverture des frontières américaines est « une très bonne nouvelle. Il y a incontestablement un effet de boost. Pour New York, nous vendons trois fois plus qu’il y a trois semaines », se réjouit Marc Rochet, président d’Air Caraïbes. Toutefois, « s’il y a une vraie demande, il n’y a pas d’explosion non plus »,nuance-t-il. Le taux de remplissage des avions est passé « à 80 %, alors qu’il ne dépassait pas les 56 % à 60 % » quand seuls les passagers américains pouvaient circuler.
Il n’empêche, le déblocage du ciel américain constitue « un vrai soulagement » pour La Compagnie qui, avant la crise sanitaire, n’opérait que des vols en classe affaires entre Paris et New York. Comme ses concurrents, Christian Vernet, son président, se félicite d’un « afflux de passagers ». Selon lui, « les réservations ont été multipliées par trois et les vols de la semaine sont pleins ».
Enjeu stratégique majeur
Mieux, cette embellie pourrait perdurer. La Compagnie signale que ses vols sont déjà remplis « à 80 % en novembre et [que] les prévisions sont excellentes pour décembre ». Air Caraïbes dresse le même constat, annonçant des « vols très bien engagés pour Noël ». Air France, de son côté, se prépare à rouvrir sa ligne vers Seattle dès le 6 décembre.
Les Etats-Unis sont un enjeu stratégique et financier majeur pour les compagnies européennes. Avant la crise, elles se taillaient la part du lion sur les vols transatlantiques. Sur plus de 244 millions de passagers transportés en 2019 vers ou depuis les Etats-Unis, 73 millions ont fait le voyage entre l’Europe et l’Amérique. Pour une fois, ce sont les compagnies du Vieux Continent qui mènent la danse, ne laissant que la portion congrue aux majors américaines, lesquelles se contentent d’une part de marché de 36 %.
Le flux le plus important s’organise entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui draine plus de 21 millions de passagers. La France se trouve loin derrière, avec un peu moins de 9 millions de visiteurs. L’Amérique représente pourtant un commerce lucratif pour Air France. Avant la pandémie, la coentreprise entre le groupe dirigé par Ben Smith et Delta Airlines était très rentable, avec un chiffre d’affaires de plus de 12 milliards de dollars (environ 10,4 milliards d’euros) par an, soit 40 % du chiffre d’affaires du long-courrier d’Air France. Tellement lucratif que toutes les compagnies veulent leur part du gâteau.
Air Caraïbes entend ouvrir de nouvelles destinations outre-Atlantique dès l’été 2022. « Miami ou Los Angeles, ce n’est pas encore arrêté », note Marc Rochet. La Compagnie va aussi renforcer sa présence, avec un vol direct entre Milan et New York, avant un Berlin-New York à bord du très attendu A321 long-courrier d’Airbus.