Le salon de Dubai: vers une reprise du transport aérien

Le Monde du 16/11/2021

L’aéronautique conjugue la pandémie au passé

Guy Dutheil

Au Dubai Airshow, Airbus a annoncé une commande de 255 moyen-courriers de nouvelle génération A321 Neo

Les avionneurs l’attendaient depuis deux ans. Le Dubai Airshow, le premier salon depuis l’irruption de la pandémie de Covid-19, a ouvert ses portes dans l’émirat, dimanche 14 novembre. D’Airbus à Boeing, en passant par les équipementiers, tout le monde de l’aéronautique s’y est donné rendez-vous. Le constructeur de Seattle y a dépêché l’ensemble de sa gamme. Même son dernier-né, le gros-porteur 777X, qui affiche quelques années de retard sur son calendrier, est présent sur le tarmac.

L’élément le plus marquant, c’est le retour des commandes géantes. Au petit jeu de celui qui engrangera le plus gros contrat, Airbus a dégainé le premier. L’avionneur européen a annoncé une commande de 255 moyen-courriers de nouvelle génération A321 Neo, passée par le fonds d’investissement américain Indigo Partners. Un contrat évalué, prix catalogue, à plus de 33 milliards de dollars (28,8 milliards d’euros). Avec cette commande, Indigo Partners pourra fournir des avions à ses compagnies aériennes clientes, telles la hongroise Wizz Air, nouvelle championne du low cost en Europe, l’américaine Frontier, la mexicaine Volaris ou encore la chilienne JetSmart.

Cette mégacommande donne corps aux prévisions présentées par Airbus en ouverture du salon. D’ici à 2040, l’avionneur européen prévoit que les compagnies aériennes de par le monde auront besoin de 39 000 appareils. « Nous préférons être un peu plus conservateurs » que le grand rival Boeing, précise Bob Lange, responsable des analyses et des prévisions de marché chez Airbus. L’américain a évalué les besoins en avions neufs à 43 500 appareils, soit un chiffre d’affaires de 7 200 milliards de dollars.

Dans vingt ans, la flotte mondiale, aujourd’hui établie à 23 000 avions, aura plus que doublé, pour atteindre « environ 47 000 avions », souligne M. Lange. Avec deux années de retard sur le calendrier prévu à l’origine par Airbus, qui estime que « le monde a perdu deux ans de croissance » à cause de la pandémie.

Relatif optimisme

Lors des deux prochaines décennies, 15 250 des 39 000 appareils renouvelleront les flottes des compagnies, tandis que le reste servira à accompagner la croissance. Une fois encore, le Covid-19 a fait bouger les lignes. Avant la crise, en 2019, Airbus prévoyait que 60 % des appareils participeraient au renouvellement des flottes, tandis qu’un tiers des achats d’avions neufs seraient liés à la croissance de l’industrie.

Pour afficher ce relatif optimisme, l’avionneur européen appuie ses prévisions sur le retour de l’activité constaté en Chine et aux Etats-Unis, les deux plus importants marchés intérieurs de la planète. « Le trafic est à 80 % de celui de 2019, et même à 100 % en période pic », signale Bob Lange. Mieux, « aux Etats-Unis, les avions sont bondés »,comme aux plus beaux jours d’avant la pandémie, ajoute-t-il.

Sans surprise, et la commande d’Indigo Partners en témoigne, ce sont les moyen-courriers qui vont se tailler la part du lion dans les vingt ans à venir. D’ici à 2040, Airbus prévoit qu’il se vendra 29 700 Airbus A220, A320 Neo et Boeing 737 MAX. Un essor directement lié à la croissance des compagnies à bas coût. « Il est fort possible qu’elles continuent à gagner du terrain », prédit M. Lange.

En Europe, elles ont déjà capté 45 % de parts de marché. Il n’empêche, malgré le développement sans fin des low cost, la crise sanitaire aura un impact à long terme sur le secteur, avec une croissance du trafic légèrement plus faible (3,9 % attendus par an, contre 4,3 % auparavant).

Airbus a d’autres raisons de se réjouir, avec la bonne fortune de son A321XLR. Un appareil aux coûts d’un moyen-courrier, mais avec le potentiel d’un long-courrier. Selon l’avionneur européen, il devrait se vendre 5 300 avions sur ce segment de marché, et le groupe espère bien en prendre la plus grosse part.

En revanche, le long-courrier est toujours loin de ses standards d’avant la crise. Les restrictions au voyage pèsent sur ce segment du marché. Retrouver les niveaux de 2019 ne devrait intervenir « qu’entre 2023 et 2025 », estime Bob Lange. « Un couloir d’incertitude » de deux années. Toutefois, selon Airbus, 4 000 jumbos devraient rejoindre les flottes des compagnies aériennes d’ici à 2040. Un marché d’importance pour l’A350 d’Airbus, successeur du défunt A380, et pour le 777X de Boeing, qui n’en finit pas d’accumuler les retards, au grand dam d’Emirates, la compagnie de lancement du futur long-courrier du constructeur américain.

Un peu à la peine sur le long-courrier, Airbus et Boeing ont vu comme une divine surprise l’essor du fret aérien, qui est reparti de plus belle pendant la crise. D’abord avec le transport des masques et des vaccins, puis grâce à l’explosion du commerce en ligne. Désormais, les deux avionneurs rivaux ressortent des projets d’avion-cargo de leurs cartons. Airbus a pris une longueur d’avance avec la version fret de son A350. « Un avion construit à la demande des clients », se félicite M. Lange. Jusqu’en 2040, les besoins en avions-cargos s’élèveront à 2 440 appareils, évalue Airbus.

Rassurés sur leurs futurs résultats commerciaux, les avionneurs devront toutefois gérer les exigences des autorités et des citoyens pour préserver l’environnement. Alors que l’avion du futur, neutre en carbone, n’est pas attendu au mieux avant 2035 les constructeurs devront gérer cette période intermédiaire avec la montée en puissance de l’utilisation des biofiouls. Un pari loin d’être gagné. Les carburants durables coûtent aujourd’hui sept fois plus que le kérosène et sont rarement proposés dans les aéroports.

Les Echos du 15/11/2021

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http://psk.blog.24heures.ch/archive/2021/11/15/salon-aeronautique-de-dubai-enorme-commande-pour-airbus%C2%A0-872051.html

et Boeing

http://psk.blog.24heures.ch/archive/2021/11/16/salon-aeronautique-de-dubai-les-commandes%C2%A0-872057.html