Lufthansa va mieux

Le Monde du 16/11/2021

Lufthansa portée par la reprise du trafic

Cécile Boutelet

La compagnie aérienne allemande a remboursé la dernière tranche des subventions publiques reçues pour l’aider à traverser la pandémie de Covid-19BERLIN – correspondance

La compagnie aérienne allemande Lufthansa a franchi une étape importante de sortie de crise. Vendredi 12 novembre, elle a annoncé avoir remboursé la dernière tranche des aides publiques reçues lors de la crise sanitaire, soit 1 milliard d’euros. Interrogé ce week-end par plusieurs médias, Carsten Spohr, le directeur du groupe, s’est déclaré « soulagé et fier ». Clouée au sol début 2020 à cause de la pandémie liée au Covid-19, au bord de la faillite après avoir connu les trois meilleures années de son histoire, Lufthansa n’avait dû son salut qu’à une intervention massive de l’Etat. Le plan de sauvetage de Lufthansa, bouclé le 25 mai 2020, comprenait un paquet d’aides à hauteur de 9 milliards d’euros garantis par Berlin, l’Autriche, la Suisse et la Belgique. 3,8 milliards d’euros ont été utilisés par la compagnie, désormais remboursés.

Changement de créanciers

Trois éléments ont permis à la compagnie d’opérer ce retournement. Le premier est le placement réussi, il y a quelques jours, d’une obligation sur les marchés, d’un montant de 1,5 milliard d’euros. Lufthansa ne s’est donc pas désendettée, elle a simplement changé de créanciers. Pour la direction de l’entreprise, a répété M. Spohr, il est préférable d’être endetté auprès des marchés que de l’Etat. La compagnie a ainsi les mains libres pour opérer des rachats d’entreprises, par exemple, mais aussi pour recommencer à verser des bonus et des dividendes.

S’ajoute à cela une nette reprise de l’activité. La levée des restrictions d’entrée aux Etats-Unis, un marché très important pour la compagnie allemande, a entraîné un bond de la demande. Les voyages d’affaires, empêchés pendant presque deux ans, ont fortement repris dès les premiers jours de l’ouverture. Et l’activité cargo, profitant des perturbations actuelles de livraisons par bateaux, enregistre des résultats record. Lufthansa a annoncé un doublement de son chiffre d’affaires au troisième trimestre par rapport à l’an dernier à la même période, à 5,2 milliards d’euros, ainsi qu’un léger bénéfice opérationnel, à 272 millions d’euros. Le troisième élément tient à la baisse drastique des coûts de fonctionnement. Durant la crise, la compagnie a organisé un gigantesque plan social : 30 000 emplois ont été supprimés ces derniers mois, sur la base de départs volontaires. L’objectif annoncé de la direction est de maintenir le personnel au-dessus des 100 000 salariés. Actuellement, 107 000 personnes travaillent pour la compagnie.

Si les perspectives sont plus optimistes, tout n’est pas réglé pour Lufthansa. Si les aides ont été remboursées, l’Etat allemand est encore actionnaire du groupe, à 14,09 % par le biais du fonds de stabilisation de l’économie, créé à l’occasion de la pandémie. Il devrait s’en séparer au plus tard en octobre 2023, a précisé le gouvernement. La compagnie est par ailleurs très endettée et les coûts de restructuration pèsent lourd. Restent deux grandes inconnues sur l’évolution de l’activité : l’évolution de la pandémie et l’effet des politiques de réduction des émissions de CO2. Interrogé par le quotidien Handelsblatt, Carsten Spohr table sur le fait que les gouvernements préféreront recourir aux mesures comme le passe sanitaire plutôt que de réintroduire des restrictions. Il refuse également d’enterrer les voyages d’affaires. Sur ce créneau, Lufthansa est à 40 % de son niveau d’avant-crise. « Je continue à penser qu’à terme, seuls 10 % des voyages d’affaires seront définitivement supprimés », affirme-t-il.

Carburant synthétique

Mais est-ce vraiment compatible avec les objectifs de neutralité carbone d’ici à 2050 ? « Nous proposons depuis longtemps à nos clients des vols au carburant synthétique », affirme M. Spohr, qui précise que la compagnie a acheté pour 250 millions de dollars une réserve de carburant synthétique, anticipant une hausse de la demande… tout en convenant que l’offre de ce type de carburant, plus cher, ne pourrait couvrir la demande si tous les gros clients du groupe décidaient d’y passer. Le transport aérien est responsable de 2,8 % du total des émissions de gaz à effet de serre produites par les activités humaines.