L’amende record infligée à Airbus ne devrait avoir « aucune » conséquence sur l’activité
L’avionneur devra verser un total de 3,6 milliards d’euros à la France, à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, la pénalité la plus élevée jamais infligée à un groupe industriel mais à laquelle il s’était préparé.
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De l’avis des spécialistes de l’aéronautique comme des industriels du secteur, équipementiers et fournisseurs, cette ponction financière, supérieure aux plus de 3 milliards d’euros de bénéfices 2018 de l’avionneur, ne devrait avoir « aucune » conséquence sur l’activité, comme le reconnaît l’un d’entre eux. Il faut dire qu’au long des quatre années d’enquête, « Airbus a eu le temps de s’y préparer, même s’il ne peut le reconnaître officiellement », signale le patron d’un groupe industriel du secteur. « C’est une amende record, mais elle n’est pas insupportable pour Airbus qui pourra tout à fait l’absorber », ajoute un consultant spécialiste de l’aéronautique. De son côté, l’avionneur européen, contraint au silence par l’enquête, se refuse à tout commentaire.
Airbus a calqué sa stratégie sur le motoriste britannique Rolls-Royce, condamné à payer 764 millions d’euros pour corruption
Pour éviter une trop lourde amende, Rolls-Royce avait choisi à l’époque de coopérer étroitement avec la justice. Le britannique avait réglé la note et « il ne s’est rien passé après ! » se souvient encore ce patron, le motoriste avait poursuivi son activité sans dommage. Selon nos informations, pour s’inspirer au mieux du modus operandi de Rolls-Royce, des dirigeants d’Airbus ont participé à plusieurs dîners avec leurs homologues de la direction du constructeur britannique.
Par pertes et profits
Les marchés financiers ont depuis longtemps passé l’amende record d’Airbus par pertes et profits. Le cours de Bourse de l’avionneur ne cesse de progresser. Au 31 janvier, il a gagné plus de 30 % sur un an. « Tous les financiers savaient, avant d’acheter des actions Airbus, qu’il y aurait une pénalité », pointe un dirigeant d’un équipementier. Pour les investisseurs, la pénalité, malgré son ampleur, n’est rien de plus que ce qu’ils nomment, dans leur jargon, un « one off ». « Un coup unique, ponctuel. Une ligne dans le bilan qui s’inscrit juste sous le résultat », ajoute le dirigeant.
Selon nos informations, Airbus, même amputé d’un peu plus d’une année de bénéfices, n’envisage pas de toucher à son activité opérationnelle. En pratique, il n’y aura pas de coup de frein sur les cadences de production, ni de coupes claires dans les effectifs des salariés ou de mesures de chômage technique. Au contraire, l’avionneur devrait aussi tirer profit des déboires de Boeing, dont le 737 Max est immobilisé depuis plus de dix mois, pour accentuer son avantage sur le segment des moyen-courriers, le plus porteur, sur lequel il détient déjà plus de 70 % de parts de marché. Selon Pascal Fabre, associé du cabinet de conseil AlixPartners, « Boeing va mettre longtemps à remonter les cadences de production du Max. Au moins deux ans pour seulement retrouver le niveau d’avant la crise ».
En revanche, l’avionneur pourrait repousser, ou même annuler des projets d’acquisitions. Il pourrait également revoir à la baisse certains programmes de recherche et développement. Car « près de 3,6 milliards en moins dans le porte-monnaie, ce n’est pas neutre », pointe un dirigeant d’un fournisseur de premier rang. A la nouvelle équipe à la tête d’Airbus de le gérer. Toutefois, l’accord annoncé vendredi n’empêche pas d’engager des poursuites contre les anciens dirigeants ayant dû quitter le groupe dans le cadre de cette affaire. L’amende contre Airbus n’est que le premier volet de l’enquête anticorruption, a indiqué le PNF.
Guy Dutheil