Source Le Monde « matinale » du 4/09/22
Mission Artemis-1 : deuxième report du décollage vers la Lune de la mégafusée de la NASA
Lors des derniers préparatifs, les équipes ont tenté, sans succès, de résoudre, samedi, un problème lié à une fuite de carburant au moment du remplissage des réservoirs de la fusée. Après une première tentative annulée lundi, la NASA ne prévoit pas de lancement dans les jours qui viennent.
Le Monde avec AFP
La fusée lunaire de nouvelle génération de la NASA, dans le complexe de lancement, deux jours avant son premier lancement pour la mission Artemis-1 à Cap Canaveral, en Floride (Etats-Unis), le 1er septembre 2022. STEVE NESIUS / REUTERS
Le décollage de la nouvelle mégafusée de la NASA vers la Lune est à nouveau reporté. Lors des derniers préparatifs, les équipes ont tenté, samedi 3 septembre, de résoudre un problème de fuite de carburant, mais n’y sont pas parvenues. La directrice de lancement, Charlie Blackwell-Thompson, a finalement pris la décision d’annuler le décollage, depuis le centre spatial Kennedy, en Floride, a déclaré un commentateur de la NASA dans une retransmission vidéo.
« L’annulation est absolument la bonne décision », a réagi auprès de journalistes l’astronaute Victor Glover, présent sur place. Avec ces tests à répétition, qui permettent de mieux comprendre ce nouvel engin, « la confiance des gens devrait augmenter, pas diminuer », a-t-il soutenu. « C’est un tout nouveau véhicule, une nouvelle technologie, un tout nouveau but – retourner sur la Lune pour préparer un voyage vers Mars – et oui, cela est difficile », a pour sa part déclaré, lors d’une conférence de presse, le patron de la NASA, Bill Nelson.
Lundi, lors d’une première tentative, le lancement avait été annulé au dernier moment à cause de problèmes techniques, concernant notamment le refroidissement des moteurs.
Après une deuxième tentative de décollage échouée samedi à cause d’une fuite de carburant, la NASA ne retentera pas de lancer sa nouvelle mégafusée vers la Lune dans les jours qui viennent. La période de lancement qui se termine mardi 6 septembre « n’est plus sur la table », a déclaré Jim Free, administrateur associé à la NASA.
Hydrogène hautement inflammable
La mission, sans équipage à bord, doit lancer le nouveau programme Artemis, cinquante ans après le dernier vol d’Apollo. Le décollage était prévu à 14 h 17, heure locale (20 h 17, heure de Paris), du pas de tir 39B du centre spatial Kennedy, en Floride, et restait possible au cours des deux heures suivantes, si nécessaire. Les conditions météo étaient favorables à 60 % au début de cette fenêtre de tir, puis devaient s’améliorer peu à peu jusqu’à 80 %.
En plein week-end prolongé aux Etats-Unis, jusqu’à 400 000 personnes étaientattendues pour admirer le décollage, notamment depuis les plages environnantes. De nombreux astronautes avaient également fait le déplacement, dont le Français Thomas Pesquet.
Peu avant 6 heures, heure locale (12 heures, heure de Paris), l’aval avait été donné pour commencer le remplissage des réservoirs de la fusée avec son carburant cryogénique – au total, environ trois millions de litres d’hydrogène et d’oxygène liquides ultra-froids.
Mais, un peu plus d’une heure plus tard, une fuite a été détectée au pied de la fusée, au niveau du tuyau par lequel passe l’hydrogène, hautement inflammable, jusqu’au réservoir. Le flot a été stoppé pendant que les équipes cherchaient une solution.
Retour au bâtiment d’assemblage
La fuite a été qualifiée de « grosse » par Mike Sarafin, chargé de la mission à la NASA. Le « suspect principal », a-t-il expliqué, est un « joint » qui entoure une pièce permettant de connecter le tuyau par lequel passe le carburant et la fusée – un élément conçu pour se détacher ultra-rapidement juste au moment du décollage. Les équipes pensent devoir remplacer ce joint, soit sur le pas de tir directement, soit en ramenant la fusée dans son bâtiment d’assemblage, à quelques kilomètres de là. Ces travaux ne permettaient ainsi plus de pouvoir décoller d’ici à mardi, lorsque l’actuelle période de lancement possible se terminait, en raison des positions de la Terre et la Lune.
De plus, le système d’autodestruction d’urgence de la fusée, conçu pour la faire exploser en cas de trajectoire déviante après le décollage, doit a priori être de nouveau testé, et ne pourra l’être que dans le bâtiment d’assemblage. Or, rentrer la fusée et la ressortir prendra « des semaines », a précisé Mike Sarafin.
Les prochaines périodes pour un lancement vont du 19 septembre au 4 octobre, puis du 17 au 31 octobre. M. Sarafin a estimé qu’il était encore « trop tôt » pour exclure totalement la fin septembre, et a promis un point d’étape la semaine prochaine. La NASA a précisé que la période de début octobre serait compliquée à coordonner, à cause du décollage prévu au même moment d’un équipage d’astronautes pour la Station spatiale internationale, également depuis le centre spatial Kennedy.
Un tremplin pour un voyage vers Mars
Le but de cette mission non habitée, nommée Artemis-1, est de vérifier que la capsule Orion, au sommet de la fusée, est suffisamment sûre pour transporter à l’avenir des astronautes. En entrant dans l’atmosphère terrestre à la vitesse de 40 000 km/h, la température du bouclier thermique de la capsule – le plus grand jamais construit – atteint les 2 800 °C.
Grâce à ce nouveau vaisseau, l’agence spatiale américaine entend renouer avec l’exploration humaine lointaine, la Lune étant mille fois plus éloignée que la Station spatiale internationale. Surtout, la NASA compte cette fois y établir une présence humaine durable, afin d’en faire un tremplin pour un voyage vers Mars.
En cas de succès, deux minutes après le décollage, les propulseurs d’appointdevaient retomber dans l’Atlantique. Après huit minutes, l’étage principal devait se détacher à son tour. Puis, au bout d’environ une heure et trente minutes, une dernière poussée de l’étage supérieur devait mettre la capsule sur le chemin de la Lune, pour l’atteindre au bout de plusieurs jours. Il est prévu que le voyage dure environ six semaines. Orion s’aventurera jusqu’à 64 000 kilomètres derrière la Lune, soit plus loin que tout autre vaisseau habitable jusqu’ici.
Un parcours de 2,1 millions de kilomètres
Au total, le vaisseau doit parcourir quelque 2,1 millions de kilomètres jusqu’à son amerrissage dans l’océan Pacifique.
Le succès complet de la mission serait un soulagement pour la NASA, qui tablait à l’origine sur un premier lancement en 2017 pour SLS, et aura investi d’ici à la fin de 2025 plus de 90 milliards de dollars dans son nouveau programme lunaire, selon un audit public.
Le nom Artemis a été choisi d’après une figure féminine, la sœur jumelle du dieu grec Apollon – en écho au programme Apollo, qui n’a envoyé sur la surface lunaire que des hommes blancs, entre 1969 et 1972. Cette fois, la NASA souhaite permettre à la première personne de couleur et à la première femme de marcher sur la Lune.
La prochaine mission, Artemis-2, emportera en 2024 des astronautes jusqu’à la Lune, sans s’y poser. Cet honneur sera réservé à l’équipage d’Artemis-3, en 2025 au plus tôt. La NASA souhaite ensuite lancer environ une mission par an. Il s’agira alors de construire une station spatiale en orbite lunaire, baptisée Gateway, et une base sur la surface de la Lune.
Là, la NASA veut tester les technologies nécessaires à l’envoi de premiers humains vers Mars : nouvelles combinaisons, véhicule, possible utilisation de l’eau lunaire…
Selon le patron de la NASA, Bill Nelson, un aller-retour vers la Planète rouge à bord d’Orion, qui durerait plusieurs années, pourrait être tenté vers la fin de la décennie 2030.