Source: Le Monde du 27/10/22
Le rebond du long-courrier profite à Airbus
L’avionneur français pourrait bénéficier d’une commande géante d’A350 de l’Arabie saoudite
Guy Dutheil
Une semaine faste s’annonce pour Airbus. Non seulement l’avionneur de Toulouse devrait, selon toute vraisemblance, présenter de très bons résultats financiers pour son troisième trimestre, vendredi 28 octobre, mais il pourrait aussi enregistrer une commande géante d’A350. L’Arabie saoudite, qui prépare le lancement d’une nouvelle compagnie aérienne au quatrième trimestre, est en « discussions avancées » avec Airbus, laisse-t-on entendre chez l’avionneur, pour acquérir 80 long-courriers A350, dont 40 exemplaires fermes et 40 en option.
Pour le constructeur, il s’agira, si elle se concrétise, de la plus grosse commande de long-courriers de son histoire. Un contrat évalué au total, prix catalogue, à près de 28 milliards de dollars (28,17 milliards d’euros). Cette commande s’inscrit dans le cadre du programme Vision 2030, qui doit permettre à l’Arabie saoudite de préparer son économie pour l’après-pétrole. Dans cet objectif, le royaume souhaite, à terme, concurrencer les compagnies du Golfe et s’imposer comme un hub régional avec 100 millions de touristes et près de 30 millions de passagers en transit. Cerise sur le gâteau, le contrat avec les Saoudiens pourrait ne pas être le seul. En effet, la compagnie américaine United Airlines réfléchit elle aussi à passer une commande géante de long-courriers pour environ 35 milliards de dollars (35,16 milliards d’euros) prix catalogue. Scott Kirby, directeur général de United, a répondu à des pilotes en formation qu’il préparait une commande à « trois chiffres » pour renouveler la flotte.
Une santé financière retrouvée
Annoncé d’ici à décembre, le choix du transporteur, basé à Chicago et qui pense acquérir une centaine de gros-porteurs, se porterait sur l’A350 d’Airbus et le 787 Dreamliner de son concurrent Boeing. Les marchés financiers parient sur ces bonnes nouvelles. Au cours des cinq dernières séances, le titre Airbus a gagné près de 3 %.
Ces deux potentielles commandes marquent le point de départ du rebond du long-courrier. Ce segment du trafic aérien avait été mis presque complètement à l’arrêt pendant l’épidémie de Covid-19. Il est le plus long aussi à repartir, freiné notamment par la fermeture du marché chinois. Comme pour le moyen-courrier il y a presque deux ans, les compagnies d’outre-Atlantique sont les premières à anticiper la reprise et, pour en profiter au mieux, modernisent et accroissent leurs flottes.
Et ça marche : aux Etats-Unis, les trois grandes compagnies aériennes, American, Delta et United, ont quasiment retrouvé leurs niveaux d’activité de 2019. Avec une santé financière retrouvée, elles passent à l’attaque. United a, par exemple, déjà annoncé qu’elle allait accroître son offre de vols transatlantiques de 30 % par rapport à 2019.
Airbus compte bien profiter de ce boom de l’activité. L’avionneur prévoit d’augmenter les cadences de production de ses long-courriers pour retrouver les rythmes d’avant la pandémie, quand il sortait « environ dix A350 par mois, contre 5 à 6 aujourd’hui et 3,5 A330, contre 3 cette année ». La seule interrogation pour Airbus : est-ce que la chaîne de sous-traitants va suivre ? A Toulouse, reconnaît-on du côté du groupe présidé par Guillaume Faury, « il y a beaucoup d’avions prêts à être livrés mais qui sont en attente de pièces de sous-traitants ».
Avec le retour en grâce du long-courrier, Airbus pourrait enfin dépasser le seuil des mille A350 en commande. A la fin septembre, il en comptait 919. Le 500e exemplaire a été livré à la compagnie espagnole Ibéria, début octobre. Le plus gros des long-courriers de l’avionneur pourrait aussi bénéficier du dynamisme du marché du fret aérien porté par l’envolée du commerce en ligne.
Si Airbus surfe sur la vague de la reprise, Boeing tire la langue. Deux des plus grosses versions de son moyen-courrier 737 Max devront peut-être repasser par la case certification, synonyme de lourds surcoûts. Largement devancé par Airbus sur le moyen-courrier, l’avionneur américain pourrait aussi perdre de sa superbe sur les longues distances, pourtant son marché historique. En effet, son futur gros-porteur, le 777X, accumule les retards. Au printemps, Boeing a ainsi annoncé qu’il reportait les premières livraisons à 2025, soit cinq années de retard sur le calendrier d’origine.