Transport aérien : les ambitions de l’Inde profitent à Groupe ADP
L’entreprise française a acquis 49 % de l’indien GMR Airports en 2020
Guy Dutheil du jounal Le Monde (26/02/2023)
Augustin de Romanet, PDG de Groupe ADP, a le sourire aux lèvres. En déplacement en Inde, il a même esquissé un pas de danse sous les lambris du Taj Falaknuma Palace, l’ancienne demeure royale, à Hyderabad. Il est vrai qu’il a de quoi se réjouir. L’acquisition par son groupe pour 1,2 milliard d’euros, en 2020, après deux tentatives avortées, de 49 % du capital de GMR Airports, filiale du groupe familial de BTP indien GMR, commence enfin à porter ses fruits.
Covid-19 oblige, le partenariat semblait être resté en sommeil. Maintenant que la pandémie de Covid-19 a reflué en Inde, ADP et GMR accélèrent. C’est à Goa, l’ex-point de chute des hippies des années 1970, considéré aujourd’hui comme le Saint-Tropez indien, que les deux partenaires ont concrétisé leur union. Le 5 janvier, ils ont inauguré un aéroport flambant neuf d’une capacité de 4,4 millions de passagers. Il remplace un vieil aérodrome militaire ne disposant d’aucun parking et qui ne pouvait accueillir que quelques centaines de milliers de passagers chaque année.
Travaux pharaoniques
Pour ses débuts, la plate-forme de Goa, au hall décoré de façades d’immeubles d’inspiration luso-brésilienne, n’opère que des vols domestiques. Une mise en jambes avant que le terminal destiné aux lignes internationales ouvre ses portes cet été. A Goa, ADP et GMR voient grand. D’ici à cinq ans, l’aéroport « accueillera 13,5 millions de passagers », estime Grandhi Mallikarjuna Rao, président fondateur de GMR. Un optimisme qui ravit M. de Romanet. En trois ans, fait-il savoir, « la valeur de [son]investissement dans GMR Airports a déjà doublé ».
Et ce n’est qu’un début. Sous l’impulsion du premier ministre, Narendra Modī, l’Inde veut se développer à marche forcée. Notamment pour s’imposer comme un hub entre l’Europe et l’Asie. Pour y parvenir, il lui faut des infrastructures à la dimension de cette ambition. Depuis que M. Modi est arrivé au pouvoir, en 2014, le nombre d’aéroports a doublé.
Le pays en compte déjà 146, dont 39 plates-formes internationales. Un total que le premier ministre veut porter à 200 dans les prochaines années. « Avec GMR, ADP va participer à la vague de privatisations d’aéroports » qui devrait prochainement débuter en Inde, explique M. de Romanet. Vingt-cinq aéroports devraient être privatisés, dont une douzaine, principalement des plates-formes régionales, d’ici un an.
Pour ne pas manquer le décollage de l’Inde – jusqu’à maintenant, seuls 5 % des 1,4 milliard d’Indiens ont déjà pris l’avion –, les deux partenaires ont entrepris des travaux pharaoniques. Exemple avec l’aéroport Indira-Gandhi, à New Delhi. En 2019, il avait accueilli 68,5 millions de passagers. Après agrandissement, dont un tout nouveau terminal, il pourra en recevoir plus de 100 millions. ADP devra patienter cinq ans pour bénéficier de son retour sur investissement, car les travaux coûtent très cher. Pour créer l’aéroport de Goa et agrandir ceux d’Hyderabad et de Delhi, GMR Airports a dû investir plus de 2 milliards d’euros.
Apurer la dette
Mais ces futurs dividendes ne seront pas de trop pour apurer la dette d’ADP (7,44 milliards d’euros). Avec TAV Airports, sa filiale turque, et GMR Airports, « ADP a ses deux têtes de pont pour aller chercher ses relais de croissance à l’international », confie Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe. Notamment en Asie. Mais c’est l’Inde qui retient aujourd’hui l’attention.
Après les près de 500 avions commandés à Airbus et à Boeing, le 14 février, par Air India, la première compagnie indienne, IndiGo, préparerait « un contrat énorme », dit Hervé Millequant, ancien de la direction générale de l’aviation civile, aujourd’hui conseiller aéronautique et aviation civile à l’ambassade de France en Inde. A la clé, plusieurs centaines d’avions. In fine, c’est tout l’écosystème du transport aérien indien qui va, à très court terme, changer de dimension. « La flotte indienne devrait croître de 100 avions par an, et il faudra former 10 000 pilotes dans les cinq ans à venir », s’enthousiasme M. Millequant.