Ukraine: des F-16 “européens”

Le Monde du 21/05/2023

G7 Joe Biden ouvre la voie à la livraison d’avions F-16 à l’Ukraine

Le président américain a profité du sommet des pays du G7, vendredi 19 mai, au Japon, pour annoncer que les Etats-Unis ne s’opposeront pas au transfert d’avions de chasse F-16 à l’Ukraine. Washington entend non pas fournir ces appareils américains sur son propre contingent, mais encourager des membres de l’OTAN à céder les leurs. En outre, les Etats-Unis participeront à la formation des pilotes, qui devrait durer plusieurs mois, en Europe. Depuis le début de la guerre lancée par la Russie, en février 2022, l’Ukraine cherchait à renforcer sa flotte. Son président, Volodymyr Zelensky, arrivé samedi au Japon pour y rencontrer les dirigeants du G7 et d’autres pays (Inde, Brésil, Indonésie), a salué une « décision historique ».

Feu vert des Etats-Unis à la livraison de chasseurs F-16 à l’Ukraine

Au sommet du G7, au Japon, Joe Biden a levé son veto sur la fourniture par les alliés de Kiev de ces avions américains 

Piotr Smolar Et Élise Vincent. Le Monde du 21/05/2023

WASHINGTON- correspondant

L’administration Biden a attendu le sommet des pays du G7, vendredi 19 mai, pour l’annoncer formellement : elle ne s’opposera pas, désormais, au transfert d’avions de chasse F-16 à l’Ukraine. En outre, Washington participera à la formation des pilotes sur des sites européens. A ce stade, les Etats-Unis n‘optent pas pour fournir des F-16 à Kiev sur leur propre contingent, laissant de membres de l’OTAN céder les leurs, en facilitant en échange l’acquisition d’avions F-35.

Depuis le début de la guerre lancée par la Russie, le 24 février 2022, Kiev cherchait à renforcer sa flotte de chasseurs soviétiques datés et peu sophistiqués. Suivie par la Slovaquie, la Pologne a été le premier pays de l’OTAN à franchir le pas, le 16 mars, en décidant de fournir quatre Mig-29. Le feu vert américain permet désormais un changement d’échelle.

Dans un tweet, Volodymyr Zelensky a salué une « décision historique »Les Ukrainiens aimeraient constituer une flotte de quarante à cinquante F-16. Une coalition internationale en vue de cet objectif est promue par le premier ministre britannique, Rishi Sunak, et son homologue néerlandais, Mark Rutte.

A l’occasion du premier anniversaire de la guerre, fin février, Joe Biden expliquait sur la chaîne ABC que l’Ukraine n’avait pas « besoin » de F-16 et déclarait exclure « pour l’instant », une livraison de ces appareils. L’administration n’a cessé de repousser la ligne rouge de ce qu’elle considérait comme acceptable, en matière de coopération militaire avec Kiev, sans risquer un embrasement avec la Russie et un débordement du conflit au-delà des frontières ukrainiennes. En réalité, Washington a fini par céder sur de nombreux points.

Le premier revirement a concerné les systèmes de missiles guidés Himars, dès l’été 2022. Fin décembre, à l’occasion de la visite surprise de Volodymyr Zelensky à Washington, l’administration a aussi annoncé la livraison d’une batterie de missiles Patriot, un renfort essentiel pour la défense antiaérienne. En janvier, le Pentagone a confirmé que des soldats ukrainiens seraient formés à l’utilisation de ce système, ajout de choix après le transfert de missiles sol-air Hawk et Nasams.

Mais le changement de pied le plus spectaculaire a été, fin janvier, l’annonce de l’envoi de trente et un chars M1 Abrams. Cette décision ne se concrétisera pas sur le terrain avant de long mois, mais elle a servi à débloquer celle de l’Allemagne, qui a ainsi accepté de fournir des chars Leopard.

Phase de formation nécessaire

Depuis l’origine, les considérations militaires et politiques ont été imbriquées. C’est encore le cas avec l’annonce américaine sur les F-16. L’administration Biden essaie de faciliter la préparation du sommet de l’OTAN à Vilnius, début juillet, alors que la pression des pays baltes et de la Pologne en faveur d’une candidature ukrainienne ne faiblit pas. Cependant, s’il existe une flotte potentielle de plus de trois cents F-16 dans neuf pays d’Europe – en Belgique, au Danemark, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal, entre autres –, tous les Etats qui en disposent ne sont pas en mesure d’en céder du jour au lendemain.

La Belgique, par exemple, qui possède cinquante-trois appareils, a précisé le 16 mai que ses avions étaient à la fois trop vieux et indispensables pour des missions nationales. La Norvège disposait encore récemment d’une cinquantaine de F-16. Elle a commencé à les retirer en 2022 pour acheter des F-35. Mais trente-deux de ces avions ont déjà été vendus à la Roumanie. « Beaucoup d’armées de l’air occidentales sont réduites à l’os. Donner des avions peut signifier ne plus être en mesure d’assurer certaines missions », prévient Jean-Christophe Noël, chercheur associé à l’Institut français de relations internationales et rédacteur en chef de la revue de réflexion Vortex, éditée par l’armée de l’air.

Avant l’envoi d’avions, une phase de formation sera nécessaire aux futurs pilotes de F-16 ukrainiens. Après la Belgique et les Pays-Bas, le Danemark a ainsi confirmé, le 19 mai, être prêt à en former, alors que Copenhague est, comme Bruxelles et Amsterdam, dans une phase de remplacement de sa flotte de F-16 par des F-35. Ces derniers jours, la France et le Royaume-Uni ont aussi ouvert la porte à la formation de pilotes ukrainiens, mais Paris et Londres ne disposant pas de F-16, il ne pourra s’agir que de formations initiales. « Tout ce qui a été annoncé va devoir faire l’objet d’une coordination fine avec les partenaires », résume-t-on au cabinet du ministre des armées français, Sébastien Lecornu.