France: lutte anti-feu et période estivale

Source: Le Monde du 01/06/2023

Les forces anti-incendies se préparent à un été à haut risque

Durant la saison estivale, 470 personnes s’activent au Centre national avancé de lutte contre les feux, basé près de Nîmes

Agathe Beaudouin

NÎMES- correspondante

Quatre Canadair survolent la garrigue. Dans un bruit étourdissant, un imposant avion bombardier d’eau, baptisé « Dash », entre lui aussi en action, tandis qu’un hélicoptère jaune et rouge parcourt la zone. A quelques semaines d’un été qui s’annonce sous tension, les pilotes de la sécurité civile aérienne, tous basés près de Nîmes, dans le Gard, multiplient leurs apparitions au-dessus de l’agglomération.

Le 1er juin, le Centre national avancé de coordination et de conduite des moyens de lutte contre les incendies, géré depuis cette base, se mettra en ordre de marche pour tenir jusqu’au 30 septembre. Depuis 2017, c’est ici qu’est localisé l’ensemble de la flotte aérienne de lutte contre les incendies, capable d’intervenir sur tout le territoire, avec 12 Canadair et 7 Dash.

Sur cette immense zone grillagée, située entre la ville et le vignoble des Costières de Nîmes, la base est un univers clos où, toute l’année, les pilotes répètent les mêmes gestes et se préparent à affronter les mégafeux. Après un été 2022 particulièrement difficile, avec 72 000 hectares ravagés par le feu dans toute la France et trois incendies hors norme en Gironde, les prochains mois s’annoncent également complexes. « Pour 2023, nous sommes particulièrement inquiets car la sécheresse est avancée, confirme l’inspecteur général François Pradon, chef d’état-major national de la sécurité civile. A chaque incendie, notre objectif est d’attaquer le feu le plus rapidement possible, en moins de dix minutes si les enjeux sont importants. La prévention est essentielle. Huit feux sur dix sont d’origine humaine et les mégots de cigarette représentent 90 % des départs sur autoroute. »

Durant la saison estivale, jour et nuit, 470 personnes sont en action sur la base. Des mécaniciens y travaillent pour gérer les casses et les chocs des appareils. « La maintenance du matériel est très importante, souligne la responsable du groupement des moyens aériens nationaux, Adeline Savy.En saison, les avions qui sont sortis en intervention ne peuvent pas repartir dans l’heure qui suit, ils ont besoin d’être remis en état. »

Caméra embarquée

Des météorologues rejoignent aussi la cellule de crise. « Nous renforçons nos moyens pour pouvoir apporter une analyse du danger potentiel, avec des cartes de modélisation de l’état de sécheresse de la végétation pour aiguiller les secours », explique Véronique Ducrocq, directrice des opérations chez Météo-France.

Dans le cockpit d’un avion de type Beechcraft, capable de rejoindre la Gironde en quarante minutes depuis le Gard, Jérémy Loncle joue le rôle de tour de contrôle lorsqu’un incendie se déclare. L’homme gère de son ordinateur une caméra embarquée qui permet d’apporter une vision en 3D du feu et d’envoyer, depuis les airs, des images optiques et infrarouges au sol. 

« Ces données très précises permettent de prendre les arbitrages sur les moyens aériens à déployer », détaille le pilote, capable d’intervenir sur plusieurs incendies en une journée, et qui se souvient encore « de ces forêts dévastées » à La Teste-de-Buch, en Gironde, l’été dernier.

Pierre Gouin, qui cumule vingt-trois saisons aux commandes d’un Dash, et a réalisé une cinquantaine de largages d’eau en 2022 dans les Landes en proie aux flammes, appréhende une « nouvelle saison délicate ». Comme en 2022 et pire encore, en 2019, quand la base a perdu l’un de ses pilotes, Franck Chesneau, dans un violent incendie à quelques kilomètres de Nîmes.