source: Le Monde
De nombreuses infractions au couvre-feu relevées à l’aéroport de Nantes
L’Autorité de contrôle des nuisances alerte sur les pratiques des compagnies low cost
Yan Gauchard
NANTES- correspondant
Plus de cinq ans après que l’Etat a sonné le glas du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), la cohabitation sereine entre concessionnaire de la plate-forme de Nantes Atlantique, compagnies aériennes et riverains de l’infrastructure relève toujours de l’utopie.
Le chantier de réaménagement de l’aéroport demeure au point mort, tandis que le trafic aérien redécolle. Dans ce contexte, le gouvernement se serait bien passé d’une nouvelle contrariété. En l’espèce, il s’agit d’un courrier de Gilles Leblanc, le président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), adressé au préfet de la Loire-Atlantique, Fabrice Rigoulet-Roze, avec copies transmises au directeur général de l’aviation civile et au responsable des affaires juridiques du ministère de la transition écologique.
Travail de pédagogie
Dans cette lettre, que Le Monde a pu consulter, Gilles Leblanc met en doute l’efficacité du couvre-feu visant à bannir les avions du ciel de la métropole nantaise entre minuit et 6 heures du matin. « Plus de 350 mouvements d’avions ont été réalisés durant la période du couvre-feu au cours des neuf premiers mois » qui ont suivi la promulgation de la mesure par arrêté ministériel, le 8 avril 2022, rapporte ainsi Gilles Leblanc, qui précise que ces violations ont abouti à « 225 poursuites déclenchées par l’administration de l’aviation civile ».
En dépit d’un travail de pédagogie mené pour « prévenir le risque de récidives », les dérapages, qui sont essentiellement le fait des compagnies aériennes low cost, perdurent, note le président de l’Acnusa. Le libellé de l’arrêté ministériel relatif au couvre-feu de Nantes-Atlantique est mal ficelé, déplore-t-il. Le texte mentionne que les compagnies subissant un retard de vol pour des raisons indépendantes de leur volonté peuvent faire décoller ou atterrir leurs appareils durant le couvre-feu. Résultat : de nombreuses compagnies « hors la loi » tentent de se défausser sur les « difficultés rencontrées par les opérateurs de navigation aérienne, et singulièrement le contrôle aérien du pays », relève Gilles Leblanc.
Les compagnies aériennes enfreignant la mesure bravent les menaces d’amendes (d’un montant de 40 000 euros maximum) et déposent quasi systématiquement des recours pour contester les sanctions. La compagnie à bas coût espagnole Volotea, qui détient la palme en matière d’infractions en 2022, a ainsi saisi la justice « pour contester 123 des 148 décisions d’amendes qui lui ont été notifiées », révèle Gilles Leblanc. Et ce, même si la jurisprudence actuelle stipule que les transporteurs sont comptables de leur programmation de vols, et donc des retards accusés, sauf cas de force majeure, comme l’éruption du volcan islandais Eyjafjallajökull en 2010.
« Nécessité sanitaire majeure »
Volotea se vante d’avoir grappillé des parts de marché en 2022, alors que la compagnie « a triché » selon le mot du président de l’Acnusa.
Contactée, Volotea argue que « 90 % des violations sont dues à des causes externes » et assure que « des ajustements extrêmement importants ont été réalisés ». Un porte-parole de la compagnie espagnole affirme encore que « Volotea a éliminé complètement les vols prévus après 23 heures, augmentant ainsi les marges de sécurité opérationnelle afin de respecter scrupuleusement le couvre-feu à Nantes ». Reste que, de l’aveu même de la compagnie low cost, ces mesures n’ont entraîné une réduction que « de 80 % » des dépassements de couvre-feu depuis le début de l’année. La réduction des nuisances nocturnes est « une nécessité sanitaire majeure »selon Gilles Leblanc, qui appelle à « une programmation des vols raisonnable et réaliste ». L’Acnusa enjoint à l’Etat de clarifier les règles au plus vite et de réécrire l’arrêté.
La préfecture de Loire-Atlantique juge « prématuré » de réviser l’arrêté ministériel et fait valoir que le couvre-feu a permis « une diminution par six environ du nombre d’atterrissages ou de décollages » au cœur de la nuit. « Le compte n’y est pas, le couvre-feu ne protège pas les habitants comme annoncé, car l’arrêté est trop permissif », tonne Paolo Ferreira, président du Collectif des citoyens exposés au trafic aérien. Ce dernier déplore que les amendes infligées ne soient « pas assez fortes et pas systématiques ».
Plaidant pour un couvre-feu de plus grande amplitude, de 23 heures à 7 heures, afin de coller aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé en matière de sommeil, le porte-parole des riverains estime que l’équation est insoluble pour le gouvernement : « A moins d’un plafonnement strict du mouvement d’appareils, ou d’une réduction miracle du bruit des moteurs d’avions, la tranquillité des habitants relève de la mission impossible. Mécaniquement, plus le trafic augmente, moins on va respecter le couvre-feu. »