Source: Le Monde du 18/08/2023
L’aéroport belge de Charleroi cristallise le conflit chez Ryanair
Les pilotes de la compagnie irlandaise à bas coût viennent de mettre fin à leur quatrième mouvement de grève depuis le début de l’année
Jean-Pierre Stroobants
BRUXELLES- correspondant
Les pilotes belges de Ryanair ont mis fin, mercredi 16 août, à une grève de deux jours qui a entraîné la suppression de 88 vols au départ et à l’arrivée de l’aéroport de Charleroi, au sud de Bruxelles. C’est le quatrième mouvement de ce type depuis le début de 2023 dans ce hub, l’un des principaux de la compagnie irlandaise à bas coût, qui en possède 82.
Les pilotes, dont les deux tiers se déclaraient grévistes, réclament des augmentations salariales après avoir consenti, durant la crise due au Covid-19, une baisse de 20 % de leur rémunération. La direction estime que la récente indexation automatique des salaires, intervenue en Belgique en raison du niveau élevé de l’inflation (9,59 % en 2022), répond à cette revendication.
Les pilotes protestent également contre la réorganisation de leurs jours de travail et de congé, estimant que les quatorze heures de prestation quotidienne qu’ils effectuent – durant cinq jours d’affilée et avant quatre jours de pause – constituent déjà le maximum légal. Ces dispositions étaient incluses dans une convention que la direction de Ryanair avait fini par accepter en 2019, après avoir opposé une longue résistance.
Didier Lebbe, responsable du secteur des transports à la Centrale nationale des employés, l’un des principaux syndicats belges, estime que la nouvelle grève, qui a fortement perturbé les départs et les retours de vacanciers, a atteint son but : « Elle visait à peser fortement sur les opérations, et c’est réussi. »Les pilotes semblent néanmoins redouter que la direction de Ryanair campe sur son refus de toute discussion.
Les responsables de l’aéroport de Charleroi, où la société irlandaise occupe une position dominante, déplorent ces grèves à répétition. Mardi 15 août, Philippe Verdonck, le patron des installations, expliquait que les passagers n’avaient « plus aucune considération » pour le mouvement des pilotes. Il semble qu’une partie des clients songe à se tourner vers d’autres compagnies et des agences de voyages annoncent qu’elles ne procéderont plus à des réservations sur Ryanair en raison de la surcharge de travail liée aux annulations et demandes de dédommagements.
La direction en position de force
La compagnie pourrait-elle abandonner ses bases belges ? Elle avait déjà agité cette menace en 2022 et, en janvier, elle a définitivement retiré ses appareils de l’aéroport de Bruxelles-Zaventem. L’Association belge des pilotes de ligne comme la plupart des syndicalistes balaient toutefois d’un revers de la main l’hypothèse d’un départ de Charleroi qui serait, d’après un navigant, l’une des principales « vaches à lait » de l’entreprise. Ryanair y gagne bien plus que sur ses autres bases : 21 euros par passager et ils sont quotidiennement de 10 000 à 12 000.
Pour l’exercice 2022-2023, le groupe irlandais a engrangé globalement un bénéfice de 1,4 milliard d’euros, malgré une forte hausse de ses coûts, et il prévoit de transporter, en 2023, 183,5 millions de passagers, un record. Avec 18,7 millions de sièges occupés en juillet, il a réalisé une performance historique. De quoi, sans doute, placer la direction de Ryanair en position de force face à ses interlocuteurs belges, dont le gouvernement régional de la Wallonie. Celui-ci octroie annuellement 30 millions à l’aéroport de Charleroi, en estimant qu’il contribue au développement économique de la région.
Pour les syndicalistes, les pouvoirs publics cautionnent le système de dérégulation sociale de Ryanair, dont l’aéroport de Charleroi serait devenu « l’otage ». Michael O’Leary, le dirigeant de la compagnie, fustige pour sa part les « clowns syndicalistes » et présente la grève comme « un sport national » en Belgique, où sa compagnie respecterait, assure-t-il, toutes les dispositions légales.