Des Yak-130 pour l’Iran

https://www.avianews.ch/post/des-yak-130-pour-l-iran?

Source: Le Monde

La Russie livre des avions d’entraînement avancé à l’armée de l’air iranienne

Le rapprochement militaire entre Moscou et Téhéran se confirme

Madjid Zerrouky

Les images ont beau avoir été prises à la volée, ne s’attardant que quelques dizaines de secondes sur deux avions, l’opération de communication est sans nul doute bien réfléchie. Le premier est photographié dans un abri puis sur un tarmac ; le second est filmé au roulage sur la base d’Ispahan, dans le centre du pays. Les images de deux avions d’entraînement avancé russes Yakovlev Yak-130, portant drapeau et immatriculations iraniennesont été diffusées samedi 2 septembre par l’agence Tasnim, liée au corps des gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime.

« L’ajout d’avions Yak-130 à l’armée de l’air est conforme aux contrats d’armement de notre pays avec la Fédération de Russie », a confirmé l’armée de l’air, avant de publier des photos des appareils.

Si la fourniture par la Russie à l’Iran de matériels était attendue, cette arrivée n’en constitue pas moins un événement. Il s’agit de la première livraison d’appareils de combat neufs par Moscou à Téhéran depuis la signature du seul contrat portant sur des avions entre la République islamique et l’Union soviétique… en novembre 1989. Le Yakovlev Yak-130 est utilisé pour former les pilotes d’avions dits de « quatrième génération +/++». Le chasseur de cette catégorie le plus moderne en service en Russie est le Sukhoï Su-35, pour lequel Téhéran ne fait pas mystère de son intérêt.

Sous le coup de sévères sanctions internationales, les deux pays se sont rapprochés depuis le lancement par Moscou de sa guerre contre l’Ukraine, avec un accent évident mis sur la coopération militaire. La livraison par Téhéran de drones Shahed-136 permet à la Russie de maintenir à moindre coût sa campagne de bombardements des infrastructures ukrainiennes.

L’arrivée des Yakovlev Yak-130 pourrait récompenser l’effort consenti par la République islamique en direction de son allié, qui fait face à l’effort d’armement occidental de l’Ukraine. Les responsables iraniens avaient même fait part de leur optimisme quant à la livraison de Su-35 russes en mars avant que le ministre de la défense, Mohammad-Reza Gharaei Ashtiani, ne rétropédale fin juillet, en suggérant que Moscou n’avait pas respecté ses engagements : « Nous avons conclu un accord pour l’achat, mais nous sommes arrivés à la conclusion que nous avons la capacité de produire [des avions de combat] dans le pays. Toutefois, [les autorités] enquêtent sur la situation et pourraient reconsidérer l’achat si cela s’avérait nécessaire », déclarait-il. L’Iran n’étant pas capable de produire un tel appareil, la déclaration du ministre pouvait exprimer une certaine impatience. Peut-être liée à des déconvenues passées.

« Coopération sans précédent »

Entre 2007 et 2015, sous la pression de Washington et Tel-Aviv, Moscou avait tergiversé puis suspendu la livraison de systèmes de défense antiaérienne S-300 à Téhéran, avant de finalement les lui fournir. Mais, selon l’administration américaine, la guerre en Ukraine a rebattu les cartes. « La Russie prévoit de coopérer avec l’Iran afin d’obtenir davantage d’équipements militaires et, en retour, de lui offrir une coopération sans précédent. Nous pensons que la Russie pourrait fournir à l’Iran des avions de combat », accusait en mai John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain.

« Le ministère de la défense [iranien] a manifesté son intérêt pour l’acquisition de 24 Yak-130 dans le cadre des plans d’acquisition de Su-35 il y a trois ans », rappelle le chercheur et journaliste Babak Taghvaee, spécialiste de l’armée de l’air de la République islamique et ancien cadre d’une entreprise liée à cette branche des forces armées. « La livraison des deux premiers Yak-130 avant même la finalisation d’un contrat pour les Su-35 peut être liée aux tentatives de l’Iran d’acquérir un avion de combat de génération 4 + ou 4 ++. Cette livraison montre que l’Iran est toujours désireux d’acquérir des Su-35, malgré les récents aléas des négociations », conclut M. Taghvaee.

Parent pauvre des forces militaires iraniennes, l’armée de l’air s’appuie essentiellement sur une flotte d’appareils américains obsolètes, hérités d’une lointaine devancière : les forces impériales de Mohammad Reza Pahlavi, renversé en 1979. Le corps des gardiens de la révolution et son programme de missiles balistiques, sur lequel Téhéran mise depuis la fin des années 1980 pour intimider ou dissuader ses adversaires, sont traditionnellement les bénéficiaires prioritaires des crédits alloués à la défense, soit environ 20 % des dépenses de fonctionnement de l’Etat iranien. La guerre en Ukraine pourrait offrir à l’Iran l’occasion de réinvestir les airs.