Taxes et transport aérien

Source: Le Monde

Le transport aérien s’oppose à de nouvelles taxes

Les velléités du gouvernement d’introduire de nouveaux prélèvements pour financer le plan rail et la transition font réagir les compagnies aériennes et les gestionnaires d’aéroports

G.D.

Ce n’est pas une surprise, le projet du gouvernement de taxer les concessions, notamment aéroportuaires, provoque la crispation de tous les acteurs du transport aérien. C’est le ministre des transports, Clément Beaune, qui a mis le feu aux poudres en évoquant, mardi 29 août lors de l’université d’été du Medef, un alourdissement de la fiscalité pour les concessionnaires d’aéroports, et même la création de nouveaux prélèvements, notamment sur le kérosène. Il faut dire que l’objectif du gouvernement est de financer son grand plan de développement du rail, pour lequel il prévoit d’investir 100 milliards d’euros d’ici à 2040.

Gestionnaires d’aéroports et compagnies aériennes, ciblés en raison de leurs responsabilités dans le réchauffement climatique, sont vent debout contre tout alourdissement de leur fiscalité. « Nous sommes fermement opposés à cette taxation », s’exclame Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair et président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM).

« C’est une source d’inquiétude et d’incompréhension pour le secteur », déplore de son côté Thomas Juin, président de l’Union des aéroports français (UAF). A en croire ce dernier, le moment est très mal choisi pour demander une contribution supplémentaire aux aéroports.

« Nous nous remettons à peine d’une crise sans précédent, avec un effondrement de l’activité de près de 70 % en 2020, lors de la survenue de la pandémie de Covid-19, et le premier réflexe du gouvernement, c’est d’introduire de nouvelles taxes sur le transport aérien », s’emporte le président de l’UAF. Ce dernier trouverait « plus juste et cohérent que ce soient les voyageurs du train qui contribuent au plan de financement du rail plutôt que les passagers de l’aérien, qui vont déjà devoir financer la transition énergétique » du secteur.

« Dégrader la compétitivité »

Les plus farouches adversaires aux taxations supplémentaires sont les compagnies aériennes. Ces dernières, signale le président de la FNAM, ont déjà été informées de la volonté du gouvernement d’« augmenter de 600 millions d’euros sur quatre ans » la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac ». M. Izaguirre ne veut pas non plus entendre parler d’une taxe sur le kérosène. « Cela ne marche pas », fait-il savoir, « car cela n’est pas propre à la France » – c’est un règlement international.

Le principe de non-taxation du kérosène date de la convention de l’Organisation de l’aviation civile internationale de Chicago, en 1944. « Pour revenir sur cette non-taxation du kérosène, il faudrait revenir sur tous les règlements internationaux du transport aérien », ajoute encore M. Izaguirre. Très remonté, le président de la FNAM et PDG de Corsair rappelle que le transport aérien est déjà très taxé. Les prélèvements « représentent près de 50 % du prix d’un billet Paris-Nice ou Paris-Milan », détaille-t-il.

Contrôlée à 28,6 % par l’Etat, Air France-KLM ne se déclare « pas opposée à ce principe de taxation ». Toutefois, la compagnie franco-néerlandaise pose comme préalable que « des conditions de concurrence équitable soient respectées, afin d’éviter de renforcer la distorsion de concurrence avec les opérateurs extra-européens ».

Des taxes « purement nationales dégraderaient la compétitivité du pavillon français face à ses concurrents », notamment venus du Moyen-Orient ou de Turquie, abonde le président de la FNAM. Surtout, les compagnies devraient répercuter toute hausse de leur fiscalité sur les prix des billets d’avion. Qui ne cessent de grimper. Alors que les tarifs avaient déjà augmenté de près de 25 % entre 2022 et 2023, ils ont continué de progresser de près de 15 % entre janvier et juillet 2023. Même si Clément Beaune a prôné la fin des billets à dix euros parfois proposés par des compagnies à bas coûts.

« Utiliser tous les recours »

Alors que cet éventuel alourdissement de la fiscalité devrait être abordé lors de la discussion sur le nouveau projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, la FNAM se déclare prête « à utiliser tous les recours juridiques possibles si les pouvoirs publics veulent aller au bout de cette démarche ».

M. Izaguirre rappelle que le transport aérien a toujours joué les bons élèves : « Nous sommes le seul secteur qui a présenté aux autorités sa feuille de décarbonation avec des investissements prévus d’un milliard d’euros en 2025 et de 3 milliards d’euros d’ici à 2030. » Le patron de Corsair refuse que l’on considère que « l’avion, c’est le mal, tandis que le transport ferroviaire serait paré de toutes les vertus ».