Menaces sur les biocarburants

Source: Le Monde

De la friture sur l’avenir des biocarburants

Par Philippe Escande

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Il flotte comme un mauvais air de renoncement autour des ambitions climatiques européennes. Et pas seulement à cause de la poussée de l’extrême droite sur tout le continent. Ce mardi 2 juillet, le groupe pétrolier britannique Shell a annoncé suspendre son investissement dans une grande raffinerie de biocarburants à Rotterdam. Une annonce qui intervient deux semaines après celle de son compatriote BP, qui a suspendu ses investissements dans deux unités de ce type en Allemagne et aux Etats-Unis.

L’usine de Shell devait être l’une des plus importantes au monde. Sa production de 820 000 tonnes de carburant par an, produit à partir de végétaux et d’huiles de cuisine, aurait permis, selon Shell, de retirer 2,8 millions de tonnes de CO2 de l’atmosphère. Un calcul toujours sujet à caution qui tient compte de l’absorption de gaz carbonique par les plantes utilisées pour fabriquer le carburant. Mais cela aurait aidé le plan européen qui prévoit pour les secteurs difficiles à électrifier comme l’aérien une incorporation de 5 % de ces carburants dans les réservoirs des avions en 2030 avec un objectif de 70 % en 2050.

Mais, aujourd’hui, les producteurs rétropédalent pour trois raisons. La première est que le marché n’est pas là. La demande des compagnies aériennes est plus faible que prévu et l’Association du transport aérien international reconnaît aujourd’hui que l’objectif de 5 % est « extrêmement ambitieux ».

A prix cassé

La deuxième raison est que la production n’est pas rentable, en dépit d’un prix de vente deux à trois fois plus élevé qu’un carburant fossile. C’est l’argument avancé par Shell. Le leader mondial du secteur, le finlandais Neste, a averti en mai que ses profits seraient plus faibles que prévu. Bien sûr, les Etats pourraient intervenir en alourdissant la taxation des carburants fossiles pour redonner de la compétitivité à la filière. Mais ce n’est pas l’humeur du moment, si l’on en juge par les mesures de détaxation proposées par le Rassemblement national en France.

Enfin, la dernière raison a un petit air de déjà-vu : la Chine. Selon le syndicat européen des biocarburants (European Biodiesel Board) la Chine aurait exporté vers l’Europe 90 % de sa production totale, soit 1,8 million de tonnes à prix cassé. Pas étonnant, dans ces conditions, que le carburant vert en voit aujourd’hui de toutes les couleurs.