Source: Les Echos
Boeing suspend la certification du 777X à cause d’une pièce défectueuse
La découverte de microfissures sur les biellettes de poussée des trois B777 d’essai a contraint Boeing à interrompre sine die les vols de certification de son nouveau gros-porteur long-courrier, qui accuse déjà cinq ans de retard sur son calendrier initial.Ajouter à mes articlesCommenterPartager
Par Bruno Trévidic
Publié le 20 août 2024 à 12:55Mis à jour le 20 août 2024 à 18:18
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Les clients du Boeing 777-9 risquent de devoir patienter encore un peu plus longtemps. L’avionneur américain a dû interrompre, une nouvelle fois, les vols d’essai de son nouveau gros-porteur long-courrier, après la découverte, ce week-end, d’une fragilité structurelle sur l’une des pièces critiques de fixation du moteur. De quoi retarder encore un peu plus la certification du dernier modèle de Boeing, qui a déjà accumulé cinq ans de retard sur le calendrier, et occasionner quelques cheveux blancs supplémentaires à son nouveau patron, Kelly Ortberg .
L’information, dévoilée par le site spécialisé américain « The Air Current », a été confirmée lundi soir par Boeing, sans précision supplémentaire concernant le niveau de gravité du problème ou la durée d’interruption des vols. Seule certitude : les trois appareils dédiés aux vols de certification ont tous été cloués au sol, après la découverte sur les trois avions de microfissures sur les « thrust links » (biellettes de poussée). Il s’agit d’une sorte de barre en titane – il y en a deux par moteur – conçue pour transférer de l’avant à l’arrière une partie des contraintes mécaniques produites par la poussée du moteur. Donc une pièce critique pour la sécurité.
Un appareil cloué au sol à Hawaï
Le problème a, semble-t-il, été découvert lors d’une visite de maintenance de routine sur l’un des trois B777-9 d’essai, à Hawaï. L’appareil a dû rester sur place, tandis que des inspections diligentées sur les deux autres B777X d’essai, basés à Everett près de Seattle, ont mis en lumière le même problème de microfissures sur les biellettes de poussée. Les efforts supportés par ces biellettes sont d’autant plus importants que les deux moteurs GE-9X, qui équipent les B777X, sont les plus gros moteurs d’avion jamais construits, avec un diamètre de 3,4 mètres et un poids de 11 tonnes chacun.
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La question est maintenant de savoir si Boeing pourra se contenter de remplacer les pièces défectueuses ou si ses ingénieurs et ceux de GE, qui fabrique les moteurs des 777X, devront revoir la conception même de ces pièces. Mais il y a fort à parier que ce nouvel incident occasionnera des tests et des délais supplémentaires dans le processus de certification, qui dure déjà depuis trois ans. Par conséquent les premières livraisons à Emirates, promises aux dernières nouvelles pour la fin de 2025 par Boeing, risquent d’être reportées à 2026, comme le présentait le PDG d’Emirates, Tim Clark. Soit plus de cinq ans après le premier vol du 777X, en janvier 2020.
Une carrière déjà mal engagée
Le Boeing 777-9 est la dernière version modernisée du 777, le best-seller de Boeing dans la catégorie des gros-porteurs long-courriers. Il se distingue notamment par la taille de ses ailes, munies d’extrémités repliables, afin de limiter son encombrement dans les aéroports. Lancé commercialement en 2013 sous le nom de code de 777X, il a contribué à abréger la carrière commerciale de l’Airbus A380, en offrant une capacité d’emport comparable, mais avec deux moteurs au lieu de quatre pour l’Airbus.
Cependant, après un bon démarrage des ventes, les retards pris dans son développement, ajoutés à la raréfaction des commandes de très gros porteurs, ont porté un coup d’arrêt à la carrière commerciale du 777X, qui n’a enregistré que 340 commandes depuis son lancement. Le report des premières livraisons a même obligé certaines compagnies, comme Lufthansa, à remettre en service des A380, tandis que d’autres bons clients du 777 comme Air France ont préféré opter pour l’A350.
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Le mois dernier, le ciel semblait toutefois s’éclaircir pour Boeing et son B777X. L’aviation civile américaine, la FAA, avait autorisé l’avionneur à commencer les vols de certification du B777-9, avec des équipes de la FAA à son bord. Pour la première fois depuis longtemps, le B777X avait également engrangé une vingtaine de commandes supplémentaire lors du salon aéronautique de Farnborough . L’embellie aura été de courte durée.