Starliner: retour sur terre sans passage

Source: Le Monde

La capsule Starliner de Boeing est bien rentrée sur Terre

Pour des raisons de sécurité, l’engin n’a pas rapatrié les deux astronautes qu’il avait convoyés vers la Station spatiale internationale en juin

Hervé Morin

La première mission habitée du Starliner, la capsule spatiale de Boeing, s’est achevée sans passagers, dans la nuit de vendredi à samedi. L’engin s’est posé sans encombre, avec parachutes et airbags, dans un désert du Nouveau-Mexique, quelques heures après s’être désarrimé de la Station spatiale internationale (ISS). Les astronautes américains Sunita Williams et Barry « Butch » Wilmore, qui avaient effectué le trajet aller de ce vol de qualification, n’étaient pas à bord au retour, pour des raisons de sécurité.

Le vol vers l’ISS, début juin, avait mis en lumière plusieurs anomalies – des fuites d’hélium et des défaillances de certains propulseurs. Les deux passagers qui, initialement, ne devaient pas rester plus d’une semaine dans la station orbitale, ont vu leur séjour prolongé au fil des tests conduits pour évaluer l’ampleur du problème.

L’industriel américain pensait s’être assuré par des modélisations que les propulseurs permettraient un retour sans problème mais n’a pas convaincu la NASA. Celle-ci n’a pas voulu prendre de risque et a annoncé, le 24 août, que Starliner serait piloté à distance, tandis que les deux astronautes resteraient à bord de l’ISS jusqu’en février 2025, le temps de leur trouver une place dans les rotations d’astronautes assurées par le Crew Dragon, la capsule de SpaceX, rival de Boeing.

« Il y avait de la tension dans la pièce » quand cette décision a été prise, a admis Steve Stich, responsable du programme des vols habités commerciaux à la NASA, lors d’une conférence de presse, mercredi 4 septembre. L’enjeu était crucial : il fallait s’assurer que le Starliner ne risquait pas de partir en vrille et de mettre en péril l’ISS lors du départ, et ensuite qu’il n’irait pas brûler dans la haute atmosphère ou rebondir sur celle-ci de façon incontrôlable, et fatale pour ses occupants. Et enfin que sa trajectoire finale ne présenterait pas de risque pour des Terriens.

Pour rappel, Steve Stich était directeur de vol lorsque la navette Columbia a explosé le 1er février 2003, tuant les sept astronautes à bord. Il a indiqué que l’agence spatiale américaine n’était pas aussi confiante que Boeing envers les simulations proposées par l’industriel. La NASA, qui a une vision d’ensemble sur le fonctionnement de l’ISS et le ballet des capsules qui l’approvisionnent et la desservent, assume cette décision, humiliante pour l’industriel : ses premiers astronautes ont vu leurs combinaisons rentrer sans eux à bord du Starliner, et ils atterriront vêtus de celles de SpaceX, les deux systèmes n’étant pas compatibles.

Problèmes d’échauffement

Boeing se consolera-t-il du retour sans anicroche du Starliner ? Le plan de vol avait été accéléré pour l’éloigner au plus vite de l’ISS, d’abord grâce à des ressorts, puis par une série de petites impulsions, afin de réduire les risques de collision en cas de perte de contrôle. Les manœuvres de séparation et de sacrifice dans l’atmosphère du module de service, qui assure une part de l’alimentation et de la propulsion de la partie habitée du Starliner, se sont ensuite passées comme prévu, ainsi que les impulsions pour freiner l’engin et assurer sa bonne rentrée dans l’atmosphère.

Pour autant, la qualification du Starliner comme vaisseau de transport d’équipage n’est pas acquise. Il va falloir régler les problèmes d’échauffement responsables des pannes intermittentes des propulseurs. Steve Stich a admis que ses équipes, mobilisées par le sort de l’engin et de son équipage, n’avaient pas encore planifié les futures phases de qualification et de retour en vol – ce dernier a déjà été repoussé. Pour Boeing, l’addition risque d’être conséquente : l’avionneur s’est initialement engagé sur six vols commerciaux vers l’ISS d’ici à 2030, et à ne pas facturer à la NASA les vols d’essai qui ne seraient pas concluants. L’entreprise a déjà perdu 1,6 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) en surcoûts sur le programme Starliner.

Quant à « Suni » et « Butch », qui ont pris part aux discussions concernant leur sort, en bons pilotes d’essai, ils se sont adaptés à la nouvelle situation. « Ils étaient déjà formés pour des vols de longue durée », a rappelé Dana Weigel, responsable du programme ISS à la NASA. Précisant qu’ils ont déjà participé à des dizaines d’expériences à bord, elle assure qu’ils font désormais partie intégrante de la vie de la station orbitale et qu’ils se sont mis aux exercices de renforcement destinés à réduire les atteintes aux systèmes osseux et cardio-vasculaire causées par les vols de longue durée. Mais aussi qu’ils bénéficient du réseau d’interactions avec la Terre fourni par l’agence pour maintenir le moral des équipiers.