Eutelsat, SES et Hispasat pour Iris2

Face à Starlink d’Elon Musk, l’Europe aura sa constellation Iris²

La Commission européenne a attribué le projet de constellation au consortium SpaceRISE, constitué des trois opérateurs de satellites : le français Eutelsat, le luxembourgeois SES et l’espagnol Hispasat. Le système composé de plus de 290 satellites fournira des services gouvernementaux d’ici à 2030, tout en permettant des services commerciaux.

Par Dominique Gallois. Le Monde



Priorité à la souveraineté européenne. Après avoir lancé le système de radionavigation Galileo, en service depuis 2016, et être ainsi devenu autonome face au GPS américain, l’Europe entend se doter rapidement d’une constellation de satellites fournissant l’Internet à haut débit. L’objectif, cette fois, est de ne pas dépendre des réseaux des deux milliardaires américains, Starlink d’Elon Musk, et bientôt Kuiper de Jeff Bezos.
D’où le lancement voici deux ans, en novembre 2022, du projet Iris², acronyme d’Infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite, à l’initiative de Thierry Breton, alors commissaire européen à l’industrie. Un investissement autour de 10 milliards d’euros est évalué pour ce projet auquel participera l’ensemble des grands acteurs du spatial du continent.

Une étape a été franchie, jeudi 31 octobre, avec l’attribution du contrat de concession au consortium SpaceRISE, constitué des trois opérateurs de satellites : le français Eutelsat, le luxembourgeois SES et l’espagnol Hispasat. Ce groupe aura pour partenaires les fabricants de satellites Thales Alenia Space, OHB, Airbus Defence and Space ; les groupes de télécommunications Telespazio, Deutsche Telekom, Orange, Hisdesat, et enfin Thales SIX, spécialisé dans les systèmes d’information sécurisée pour la défense.
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La signature du contrat de concession est prévue d’ici à la fin du mois de décembre. Ce partenariat public-privé prévoit, selon la Commission européenne, « d’acquérir un système composé de plus de 290 satellites sur différentes orbites et le segment sol associé pour fournir des services gouvernementaux d’ici à 2030 tout en permettant des services commerciaux ».

Divergences franco-allemandes
Comme l’a démontré Starlink, depuis le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février 2022, avoir un outil de communication spatial est vital en cas de défaillance des liaisons terrestres, mais aussi de cyberattaque. Les Vingt-Sept devraient donc disposer de connexions sécurisées, principalement à usage militaire, et la future constellation fournira aussi l’Internet à haut débit dans les zones blanches, dépourvues de connexion.

Cependant Iris² se distingue de Starlink ou de Kuiper par son faible nombre de satellites, quelques centaines comparées aux milliers des autres, car il n’est pas question de multiplier ces objets de la taille d’une boîte à chaussures en orbite basse et d’encombrer un peu plus l’espace sur 300 kilomètres à 1 200 kilomètres. La constellation pourra aller de l’orbite basse jusqu’au géostationnaire, à 36 000 kilomètres de la Terre.
Toutefois, le projet a eu du mal à se mettre en place en raison des divergences franco-allemandes. C’est d’ailleurs Berlin qui a déclenché le différend. Dans une lettre envoyée à Bruxelles en mars, le ministre allemand de l’économie, Robert Habeck, critiquait sèchement le projet, estimant que les coûts étaient trop élevés − soit 12 milliards d’euros, près du double de ce qui était annoncé au départ − et, surtout, que les groupes allemands, comme le fabricant de satellites OHB, n’y étaient pas suffisamment associés. Le ministre demandait donc le report du projet. Le consortium réunissait alors Airbus, Thales, Eutelsat, SES et Hispasat. Thierry Breton lui a répondu sèchement qu’il « ne [pouvait] accepter aucune pression politique ». Les discussions entre industriels ont finalement repris pendant l’été pour arriver à un accord autour du consortium SpaceRISE.
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Le financement d’Iris² sera assuré par des investissements publics – Union européenne (UE) et Agence spatiale européenne – et privés (SpaceRISE). Au départ, en 2022, le coût était évalué à 6 milliards d’euros, dont 2,4 milliards en provenance du budget de l’UE et 750 millions de l’Agence spatiale européenne, le secteur privé devant boucler le financement. Il sera supérieur. L’idée était aussi d’aller au plus vite avec un calendrier très serré, prévoyant un premier lancement en 2024 et une mise en service de la constellation en 2027. Certes, le projet a pris du retard, mais il devrait aboutir, vu son importance stratégique.

Les Echos

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