Source: Le Monde
L’Inde en ordre de marche pour rattraper son retard
Sylvie Andreau
Avec une population supérieure au voisin chinois mais un trafic aérien trois fois moins important, l’Inde s’est engagée dans une course contre la montre. L’essor d’une classe moyenne toujours plus nombreuse est déjà engagée, tandis que le nombre de personnes à très hauts revenus devrait connaître une progression inédite au niveau mondial. Si l’on ajoute à cela la taille du pays, qui favorise les vols domestiques, et celle de la diaspora indienne, générant des flux de tourisme affinitaire considérables, le trafic aérien en Inde devrait bientôt se placer juste après celui des Etats-Unis et de la Chine.
Ces dernières années, les compagnies locales ont multiplié les commandes auprès d’Airbus et de Boeing. Les analystes de S&P ont calculé qu’au total 1 700 appareils devraient être livrés par les deux avionneurs à des clients indiens. Air India, repris en 2022 par le groupe Tata, est même devenu l’un des tout premiers clients d’Airbus. Il a commandé en décembre 2024 100 nouveaux avions : des A350, des A320 et des A321.
L’alliance avec ADP
Les infrastructures doivent suivre. De 145 aéroports aujourd’hui, le sous-continent doit passer à 220 d’ici à cinq ans. Nouvelle flotte et aéroports devraient représenter sur la période un investissement total de 170 milliards de dollars (164 milliards d’euros).
Depuis 2023, du Gujarat au Karnataka, cinq nouveaux aéroports sont déjà sortis de terre à Rajkot, Rourkela, Shivamogga, Ayodhya et Manohar. Le 10 mars 2024, le premier ministre, Narendra Modi, a inauguré sous l’œil des caméras 15 nouveaux projets d’aéroport, y compris 12 nouveaux terminaux. « L’enjeu est à la fois de désenclaver certaines régions et de répartir la croissance attendue du trafic au niveau national », analyse Alexis Riols, représentant du Groupe ADP en Inde. Le français est l’un des rares opérateurs étrangers, avec Zurich Airport, à avoir réussi à s’implanter dans le pays. L’essentiel des projets est porté par les gouvernements et deux groupes locaux, Adani et GMR. Ce dernier a choisi de s’adjoindre les compétences du gestionnaire de l’aéroport Paris – Charles-de-Gaulle (CDG).
Commencé en 2020, le partenariat a débouché à l’été 2024 sur un coactionnariat dans GMR Airport. La holding détient les concessions des aéroports Indira Gandhi de Delhi, de Hyderabad et de celui de Manohar, dans le nord de l’Etat de Goa, inauguré en décembre 2022. « Notre partenariat contribue à la dynamique de développement du trafic entre l’Inde et l’aéroport Paris – Charles-de-Gaulle, qui représente désormais 50 fréquences hebdomadaires sur CDG, dont 24 avec Delhi », précise Alexis Riols.
Deux infrastructures de taille devraient entrer en service en 2025. Les mégapoles de Delhi et Bombay compteront chacune un deuxième aéroport. Des projets identiques sont déjà prévus à Madras ou à Pune. Le trafic intérieur pourrait atteindre 300 millions de passagers par an d’ici à 2030, contre 152 millions en 2023.