Source: Le Monde
MaiaSpace
Quatre ministres ont officialisé la création du site d’assemblage de la fusée réutilisable développée par la filiale d’ArianeGroup
Olivier Pinaud
Quatre ministres pour une fusée. Sébastien Lecornu (armées), Eric Lombard (économie), Marc Ferracci (industrie) et Philippe Baptiste (enseignement supérieur et recherche) se sont déplacés ensemble à Vernon (Eure), le 13 juin, pour officialiser la création de l’usine d’assemblage du futur lanceur de MaiaSpace, sur le site de sa société mère ArianeGroup. Cet atelier de 10 000 mètres carrés entraînera la création de 160 emplois, en plus des 300 salariés actuels. L’investissement se chiffre en dizaines de millions d’euros, dont une partie, non précisée, prise en charge par l’Etat dans le cadre du plan France 2030. La région Normandie engage 3 millions d’euros.
« Il a fallu qu’Elon Musk », dont la société SpaceX est en situation de quasi-monopole dans le lancement de satellites, « hasarde l’idée de couper l’Ukraine de son réseau » de communication Starlink pour que « nous nous disions, dans les capitales, dans les gouvernements, que la souveraineté, c’est l’espace », a déclaré Eric Lombard, pour justifier la mobilisation du gouvernement. Les quatre années de retard d’Ariane-6, finalement lancée en juillet 2024, ont privé l’Europe d’un accès à l’espace pendant neuf mois, la rendant dépendante du lanceur d’Elon Musk. Maia doit contribuer à lui redonner souveraineté et réactivité.
« Au regard des besoins militaires de l’Etat, nous devrons envoyer beaucoup de satellites dans les dix années qui viennent », a insisté M. Lecornu, maire de Vernon entre 2014 et 2015. Haute de 50 mètres, avec un diamètre de 3,50 mètres, Maia sera composée de deux étages principaux et un additionnel. Elle pourra mettre sur orbite différents types de satellites, des petits, pour les constellations télécoms, mais aussi des engins plus lourds. Surtout, son premier étage sera réutilisable jusqu’à cinq fois, ce qui réduira le coût des lancements par rapport à un gros lanceur comme Ariane-6. Maia servira de laboratoire grandeur réelle pour la future version d’Ariane.
Forte concurrence mondiale
Le premier vol commercial est prévu fin 2026 depuis le centre spatial guyanais de Kourou. Si tout se déroule comme prévu, le lanceur aura demandé quatre années de développement, contre près de dix ans pour les projets d’ancienne génération, et ce grâce à la réutilisation de technologies existantes d’ArianeGroup. Selon MaiaSpace, ce gain de temps doit permettre de diviser par trois les coûts par rapport à un lanceur traditionnel. ArianeGroup et ses deux actionnaires, Airbus et Safran, assurent le financement de MaiaSpace, dont le coût du programme est estimé à plusieurs centaines de millions d’euros.
Ce projet s’inscrit dans un contexte de forte concurrence mondiale, américaine et chinoise, mais aussi européenne : Isar Aerospace, RFA et HyImpulse, en Allemagne ; Avio en Italie ; ou Orbex au Royaume-Uni. La course à l’espace se joue aussi en France : le gouvernement pousse trois autres projets de microlanceurs (Latitude, HyPrSpace et Sirius).