Extrait du journal Le Monde
Rubrique Eco et Entreprise
2017-10-18
Airbus vient au secours de l’avionneur canadien Bombardier
L’avionneur européen prend le contrôle du programme de moyen-courriers CSeries
Voilà qui devrait mettre du baume au coeur d’Airbus, empêtré dans des affaires de corruption. L’avionneur européen a annoncé, lundi 16 octobre, avoir noué un partenariat pour acquérir la majorité du capital du programme CSeries du constructeur canadien Bombardier. Une très belle opération pour Airbus qui met la main, sans bourse délier, sur 50,01 % du programme phare de l’entreprise -familiale québécoise.
La société qui construit le jet moyen-courrier avait été créée en 2016 par Bombardier et le gouvernement du Québec pour sauver le programme de la faillite. In fine, Airbus prendra la majorité du capital de cette société aux côtés des actionnaires familiaux (31 %) et des autorités québécoises (19 %). En contrepartie, le groupe présidé par Tom Enders s’engage à mettre en oeuvre tout son -savoir-faire et sa force commerciale pour développer CSeries.
L’entrée d’Airbus au capital du CSeries ressemble à un sauvetage pour l’entreprise québécoise. Elle avait déjà échappé une première fois à la faillite grâce à l’injection par les autorités canadiennes de plus de 4 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros). A cette époque, Bombardier avait déjà tenté, sans succès, un rapprochement avec Airbus. Deux ans plus tard, ce ballon d’oxygène financier menaçait de se transformer en un boulet mortel pour Bombardier.
En effet, sous la pression de Boeing, l’administration Trump, prenant prétexte de cette subvention, avait accablé le CSeries d’une taxe exceptionnelle de 300 %. Une sorte d’arrêt de mort pour un programme qui n’a accumulé que 350 commandes, mais 450 millions de dollars de pertes en 2016. Pourtant, le constructeur québécois n’avait pas ménagé ses efforts pour tenter de vendre son nouvel avion. Selon certains analystes, les rabais pouvaient atteindre 75 % pour un appareil facturé environ 70 millions de dollars au prix catalogue.
M. Enders semble avoir réalisé un authentique coup de maître en prenant les commandes du CSeries. Une opération » gagnant-gagnant « , comme il l’a déclaré, dans la nuit de lundi à mardi, au cours d’une conférence de presse improvisée. Mardi, à l’ouverture, l’action Airbus prenait 4 % à la Bourse de Paris. De fait, ce programme d’appareils moyen-courriers complète parfaitement la gamme d’Airbus. Le CSeries est un avion de 100 à 150 places de -dernière génération lancé en 2013. Il prend place au tout -début de la gamme des avions monocouloirs d’Airbus, qui s’étage de 150 à 240 sièges.
Il remplace un A319 vieillissant. Une fois intégré dans l’appareil industriel de l’avionneur européen, le CSeries devrait prouver tout son potentiel commercial. » Je n’ai pas de doute que notre partenariat avec Bombardier va gonfler les ventes et la valeur de ce programme « , s’est enthousiasmé le patron d’Airbus. Selon les prévisions, les compagnies aériennes devraient avoir besoin de plus de 6 000 appareils de 100 à 150 sièges dans les vingt ans. Mieux, l’entrée du CSeries dans le giron d’Airbus renforce la domination de l’avionneur européen sur le segment des moyen-courriers. Airbus détient déjà plus de 60 % de parts d’un marché estimé à plus de 25 000 appareils d’ici à 2037.
Assemblage partiel en Alabama
En pratique, Airbus a annoncé qu’il » allait développer des synergies » pour redonner une dynamique au programme CSeries. L’objectif de l’avionneur est d’assembler une partie de la production de l’avion dans son usine de -Mobile, en Alabama – celle destinée aux futures compagnies clientes américaines.
Ce faisant, le CSeries pourra échapper à la taxe exceptionnelle infligée par les Etats-Unis. » L’arrivée d’Airbus va permettre d’assurer la viabilité et la croissance du programme du CSeries, en plus de consolider tout le secteur aéronautique québécois « , s’est réjoui Bombardier. C’est Airbus qui, paradoxalement, avait précipité le CSeries vers la faillite en lançant la remotorisation de sa famille d’avions A320. Bombardier l’avait bien aidé, en accumulant les déboires techniques et les retards de production. Il n’empêche, le -CSeries est considéré comme un très bon avion. Pour preuve, la compagnie américaine Delta Airlines en est le premier client.
L’alliance Airbus-Bombardier est une très mauvaise nouvelle pour Boeing. Déjà largement distancé sur le segment des avions moyen-courriers, l’américain voit l’écart se creuser au profit d’Airbus. Obligé de réagir, il devrait précipiter l’annonce de la mise en oeuvre de son programme d’appareils de milieu de gamme.
Guy Dutheil
Voir aussi la vidéo sur http://www.aeronewstv.com/fr/industrie/aviation-commerciale/4017-airbus-prend-le-programme-c-series-de-bombardier-sous-son-aile.html