Transport aérien et nouvelle vague de la pandémie

Source: Le Monde du 01/12/2021

Le secteur aérien menacé par le rebond épidémique

Guy Dutheil

L’irruption du variant Omicron assombrit les perspectives de reprise des compagnies. Les réservations pour Noël sont en chute libre

C’est le coup dur que les compagnies aériennes redoutaient. Déjà ébranlées par la résurgence de l’épidémie de Covid-19 en Europe ces dernières semaines, elles voient l’avenir de leur activité s’assombrir avec l’irruption du variant sud-africain Omicron. Nombre de pays durcissent de nouveau leurs mesures sanitaires. Coup sur coup, le Japon, Israël et le Maroc ont annoncé la fermeture de leurs frontières. Ce ne sont que les premiers d’une liste qui devrait s’allonger au fil des jours.

Cette flambée épidémique survient alors que les compagnies commençaient à entrevoir un retour à la normale. « Nous entrons dans une période difficile, avec un regain d’inquiétude en Europe qui survient au plus mauvais moment, alors que les gens sont supposés réserver pour les vacances de Noël », a déclaré, mardi 23 novembre, Michael O’Leary, fondateur et directeur général de la low cost Ryanair, première compagnie européenne.

De fait, les réservations pour Noël sont en chute libre. Rien que pour les Antilles, en proie à des troubles sociaux, elles accusent un recul de 10 % chez Air France et Air Caraïbes – « surtout sur la Guadeloupe », précise Air France. « Depuis septembre-octobre, les indicateurs étaient au vert. L’hiver est la saison des échanges touristiques. Et là arrivent des événements sociaux dans les départements d’outre-mer de la Guadeloupe et de la Martinique. Sur novembre, on a perdu 10 % de nos remplissages », confirme Marc Rochet, directeur général d’Air Caraïbes et président de la filiale à bas coût French Bee, interrogé lundi 29 novembre sur BFM-TV.

Selon Eurocontrol, l’organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, le trafic aérien sur le Vieux Continent se replie nettement. Fin novembre, il n’a recensé que 20 000 vols dans le ciel européen contre 25 000 en septembre. La réouverture des frontières américaines au début du mois n’a pas compensé le reflux des passagers sur d’autres destinations.

Transporteurs français à la peine

Cela représente un coup d’arrêt pour les compagnies qui, jusqu’aux congés de la Toussaint, escomptaient un retour à la normale plus rapide que prévu. Las ! Les émeutes aux Antilles ont noirci le tableau. Une mauvaise nouvelle pour Air France, Air Caraïbes et Corsair, qui misaient sur l’envie de soleil des Français lors des fêtes de fin d’année pour faire voler de nouveau leur flotte de long-courriers.

Après l’optimisme qui prévalait à l’été et au début de l’automne, c’est l’inquiétude qui est de mise. Chez Air France, « l’état d’esprit est au stop-and-go ». « Nous vivons au rythme de la pandémie. ». Pour « rassurer les clients », les compagnies rappellent que les passagers ont toujours la possibilité de se « faire rembourser leur billet ou de reporter leur voyage » en fonction de l’évolution de la crise sanitaire.

Les transporteurs français ne sont pas les seuls à la peine. British Airways a annoncé lundi la suspension temporaire de ses vols vers Hongkong après qu’une quarantaine a été imposée à ses équipages. La compagnie finlandaise Finnair souffre également. Avant la pandémie, elle avait largement axé sa montée en puissance sur le développement de son trafic avec l’Asie, principalement la Chine et le Japon.

A cause de cette stratégie, « nous avons été les premiers à être touchés car le Covid a démarré en Chine », rappelle Javier Roig, directeur commercial France et Europe du Sud de Finnair. La compagnie, qui espérait une remontée de son trafic, a revu ses prétentions à la baisse. « Nous pensons que, tout l’hiver, nous allons rester à 40 % de notre niveau de 2019, alors que nous espérions avant Omicron atteindre 50 % début 2022 et 65 % au printemps de l’an prochain », ajoute-t-il.

Si le nouveau variant Omicron se montre aussi virulent que redouté, il faudra que les compagnies fassent preuve « d’agilité » pour affronter ce nouvel épisode de crise, juge Stephan Albernhe, président du cabinet de conseils Archery Strategy Consulting. Cela signifie qu’elles devront « adapter leur réseau, ouvrir certaines lignes qui n’existaient pas et, en revanche, en fermer d’autres, mais aussi revoir leurs fréquences ».

Elles devront aussi saisir toutes les occasions qui se présentent, notamment avec les rapatriements de passagers. « Qatar Airways a sauvé son année 2020 [de cette manière] », selon M. Albernhe. Air France a maintenu des vols vers trois destinations au Maroc pour permettre le retour des passagers. Air Caraïbes n’est pas en reste, qui a décidé de « remettre de l’activité là où cela marche », souligne Marc Rochet. Elle a ainsi ajouté des vols à destination de la République dominicaine ou vers Cuba et les Etats-Unis.

Outre une incidence immédiate sur l’activité des compagnies, la situation actuelle pourrait avoir des effets à plus long terme sur l’économie du transport aérien. « Cela va accélérer les restructurations dans le secteur, mais aussi couper les investissements futurs, car les circuits financiers et les banques vont se montrer frileux. Les marchés seront réticents à accompagner le développement du secteur », prédit le patron d’Air Caraïbes et de French Bee. Le désamour avec les places financières a commencé. Lundi, Airbus et Boeing perdaient chacun plus de 8 % à la Bourse. Air France s’affichait en recul de plus de 4,8 %, tandis que IAG, maison mère de British Airways, cédait plus de 11,3 %.

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