Omicron nuit aux affaires d’Air France-KLM
Guy Dutheil. Les Echos
Le nouveau variant conduit les compagnies aériennes à annuler des vols et pèse sur les cours de Bourse
Le variant Omicron va-t-il influer sur l’activité des compagnies aériennes ? Pour l’heure, Air France-KLM semble dans l’œil du cyclone. Cette zone de calme temporaire qui précède la tempête. Ses résultats seraient même un peu au-dessus de ceux de 2020 à pareille époque. Selon la compagnie, son niveau d’activité, calé à 79 % de celui de 2019, serait « un peu supérieur au niveau moyen de décembre 2020 »,qui avait culminé à 76 %. Mais cette relative accalmie pourrait ne pas durer.
Face à la vague Omicron, les annulations de vols se comptent par milliers au sein des compagnies aériennes du monde entier. Après les plus de 8 000 vols annulés lors du week-end de Noël, 2 100 vols supplémentaires ont connu le même sort, lundi 27 décembre, auxquels s’ajoutent déjà 700 vols annulés pour le 28 décembre. Lundi, Air France maintenait son programme avec 1 385 vols prévus le prochain week-end, soit 30 % de hausse par rapport au premier week-end de janvier 2021.
Personnels très touchés
« Nous ne constatons pas de vague d’annulations » des achats de billets, indique la compagnie, qui note toutefois « un petit ralentissement des réservations » : elles baissent, mais ne s’effondrent pas. La tendance pourrait s’accélérer néanmoins dans les prochains jours. « Nous sommes plutôt dans une logique de réservations à court voire très court terme. Les clients reviennent à une situation d’attentisme. Ils ne se projettent pas dans l’avenir », explique la compagnie.
Si les passagers répondent encore présent, ce sont les pilotes, hôtesses et stewards qui risquent bientôt de faire défaut. Selon nos informations, les personnels navigants commerciaux (PNC) seraient particulièrement touchés. « Chaque jour, 50 PNC se déclareraient “covidés”, c’est-à-dire positifs au Covid-19 ou cas contact », précise un dirigeant d’un syndicat d’hôtesses et de stewards. Côté navigants, la compagnie commencerait d’avoir des « problèmes pour appareiller des équipages pour les fêtes », indique un syndicaliste pilote. Notamment à cause des « cas contacts » qui se multiplient.
A l’examen, dans les cockpits d’Air France, « le Covid toucherait beaucoup plus les copilotes que les commandants de bord », fait-il encore savoir. En moyenne, explique ce pilote, « plus jeunes que les commandants de bord, les copilotes auraient plus de contacts sociaux », donc plus de risques de contracter le Covid-19. A la direction de la compagnie, on croise les doigts : « Notre système tient la route. » Grâce, notamment, aux renforts et aux cadres d’astreinte prévus pour venir en aide aux personnels au sol ou aux équipages de réserve en alerte pour suppléer les pilotes défaillants. Il n’empêche, la recrudescence de l’épidémie pourrait avoir des conséquences sur les finances d’Air France. La vague Omicron pèse sur les cours de Bourse des compagnies aériennes, et notamment sur celui d’Air France-KLM, qui demeure sous la barre des 4 euros.
Confrontée à cet environnement peu propice, la compagnie franco-néerlandaise a été contrainte, selon Le Figaro, de reporter sa recapitalisation. Avant de devoir y renoncer temporairement, l’objectif était de faire entrer de nouveaux actionnaires pour faire rentrer dans les caisses 2 milliards à 3 milliards d’euros. Mais au cours actuel, « la dilution aurait été trop monstrueuse pour les actionnaires [Etat français 28,6 % ; China Eastern 9,6 % et les Pays-Bas 9,3 %] », indique un syndicaliste de la compagnie. Pourtant, le temps presse, souligne Stephane Albernhe, président du cabinet de conseil Archery Strategy Consulting.
Moderniser en remboursant
La compagnie peut redouter un « effet de ciseau ». C’est-à-dire devoir financer « une phase de grands investissements pour renouveler sa flotte »,malgré « une exploitation qui perd de l’argent ». Le 16 décembre, Air France-KLM a annoncé une commande de 100 moyen-courriers Airbus A320, auxquels s’ajoutent quatre long-courriers A350 version cargo, pour un total, prix catalogue, de plus de 11,5 milliards d’euros. De nouveaux appareils au fonctionnement plus économique et moins gourmands en carburant.
Alors qu’elle doit financer la modernisation de sa flotte, Air France devra également faire face aux échéances de son prêt garanti par l’Etat d’un montant de 4 milliards d’euros. Le 13 décembre, la compagnie a annoncé qu’elle avait remboursé 500 millions d’euros et obtenu un report de deux ans de ses remboursements, qui ne commenceront qu’à partir du 6 mai 2025. Mais « 2025, c’est demain pour une structure de la taille d’Air France-KLM », s’alarme M. Albernhe. Selon lui, « c’est dès maintenant que le cash doit rentrer pour rembourser » !
Faute d’argent, la compagnie franco-néerlandaise pourrait ne « pas être trop regardante sur la qualité des futurs arrivants à son tour de table »quand l’augmentation de capital sera enclenchée, s’inquiète un syndicaliste. Pour le patron du cabinet de conseil, « des fonds d’investissement, notamment américains ou chinois, en cofinancement avec la banque publique d’investissement, Bpifrance », pourraient s’inviter dans le capital d’Air France-KLM. L’opération pourrait aussi être l’occasion d’une montée au capital de compagnies chinoises ou du Golfe.
Malgré la posture délicate d’Air France, les syndicats ne croient pas à un « nouveau tour de vis social ». Pour décider de nouvelles coupes claires après les 8 000 suppressions de postes déjà intervenues depuis le début de la crise, il faudrait que « la situation devienne inextricable », plaide Christelle Auster, présidente du Syndicat national du personnel navigant commercial. A l’en croire, ce n’est pas à l’ordre du jour, car la compagnie dispose « d’assez de cash pour 2022 ».
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