La Floride sous les flots de l’ouragan Ian
Source Le Monde
Plus de 2,5 millions d’habitants ont été appelés à quitter leur domicile. Les vents ont approché les 250 km/h
Arnaud Leparmentier
NEW YORK -correspondant
Comme c’est le cas pour les tsunamis, l’eau a commencé par se retirer. La baie de Tampa, sur la côte ouest de la Floride, était quasiment vide, mercredi 28 septembre dans la matinée, alors qu’au large, l’ouragan Ian, qui prenait de la puissance dans le golfe du Mexique après avoir ravagé Cuba, attirait les eaux à lui.
Puis le cyclone, de catégorie 4, s’est approché, avec des vents juste en dessous des 250 km/h, une vitesse au-delà de laquelle il se serait vu attribuer une force 5, exceptionnelle. Il a touché terre peu après 15 heures, avec ses vents insensés, et il a ramené avec lui la mer, provoquant une inexorable montée des eaux, qui a pu atteindre par endroits 3,7 mètres.
Routes recouvertes, voitures flottant au gré des eaux et maisons quasi englouties… c’était un déluge destructeur. Un requin a même été filmé nageant dans les rues de Fort Myers.
Les autorités n’ont cessé de le rappeler, la montée des eaux représente le danger majeur des ouragans, plus encore que la force du vent et les précipitations, qui pourraient atteindre 60 centimètres par endroits. Dans les régions affectées, les autorités mettaient en garde les habitants restés sur place, les invitant à se réfugier dans les étages les plus élevés de leur domicile et à rester sur place lorsque passe l’œil du cyclone, offrant une accalmie trompeuse car provisoire.
Electriciens mobilisés
Plus de 2,5 millions d’habitants ont fait l’objet d’un ordre d’évacuation obligatoire. Ces ordres n’ont en fait rien d’obligatoire – tout le monde peut rester chez soi –, mais ils signifient que les secours ne se déplaceront pas avant la fin de la tempête. C’est ce que rappelait un message des autorités de la région de Fort Myers : « Les secours commencent les sauvetages après le passage de la tempête. Cela pourrait durer toute la nuit. »
Les services météorologiques ont également lancé des alertes aux tornades – celles-ci peuvent en effet accompagner les ouragans. L’une d’entre elles a d’ailleurs détruit des avions de tourisme sur un aéroport au nord de Miami.
« Ne sortez pas pendant cet ouragan. Il sera vraiment important. Un des ouragans dont on se souviendra pour toujours », a mis en garde mercredi le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, qui estime qu’il s’agira d’un des cinq cyclones les plus puissants ayant frappé l’Etat. Les derniers cyclones importants en Floride furent Michael (force 5, 2018), Irma (force 4, 2017), précédés de cinq autres en 2004-2005, un en 1995 et surtout Andrew (force 5), très destructeur en 1992. M. DeSantis a déclaré qu’il demanderait au président Joe Biden une déclaration de catastrophe naturelle pour toute la Floride, permettant ainsi de débloquer des aides fédérales.
Plus de 2 millions de foyers étaient privés d’électricité dans un Etat qui compte 22 millions d’habitants ; 42 000 électriciens sont mobilisés pour rétablir le courant dès que possible.
Dégâts considérables
La zone frappée en premier, la côte occidentale de la Floride, est constituée de petites villes ayant connu une envolée de leur population depuis la pandémie de Covid-19 car l’immobilier y est moins cher qu’à Miami et sur la côte atlantique. « Pour beaucoup de gens, c’est une semaine d’initiation », a déclaré au Wall Street Journal John Boutchia, pasteur à Englewood, une localité près de Fort Myers.
Les dégâts s’annoncent considérables, mais l’ouragan devrait perdre rapidement de sa force après avoir traversé les terres agricoles de la pointe de Floride, selon les prévisions de la météorologie américaine, pour n’être plus « que » de force 1, voire un orage tropical, lors de son arrivée, jeudi en milieu de journée, sur l’agglomération d’Orlando. Peuplée de 2 millions d’habitants, celle-ci est le siège des parcs d’attractions de Disney et d’Universal ; Cap Kennedy, où la NASA a dû rentrer au garage la fusée lunaire Artemis, reportant de nouveau son lancement, est aussi à proximité.
De plus, depuis l’ouragan Andrew, qui détruisit des dizaines de milliers de maisons en 1992, la Floride a l’un des codes de construction les plus stricts du pays. En 2017, note le New York Times, lors de l’ouragan Irma, les nouveaux bâtiments ont mieux résisté. Les ouragans de Floride font moins de morts que par le passé. Le plus meurtrier fut celui d’Okeechobee, en 1928, qui fit rompre les digues d’un lac intérieur et provoqua la mort de plus de 2 500 personnes. Katrina, qui entraîna la rupture des digues de La Nouvelle-Orléans en 2004, fit plus de 1 800 morts. Mardi, 23 personnes étaient portées disparues après le naufrage d’un navire de migrants cubains.
Mercredi vers 21 h 30, à la nuit tombée, l’ouragan était redescendu en catégorie 2. Il devrait ensuite être rétrogradé en tempête tropicale, avec des vents de 100 km/h, et poursuivre sa route vers l’océan Atlantique, avant de revenir frapper la Caroline du Sud et la Caroline du Nord.