Ukraine: cobelligérance ou aide à l’Ukraine en état de légitime défense?

Extrait du journal Le Monde

« Il n’y a pas de cobelligérance tant que nous n’envoyons pas des troupes en uniforme se battre en Ukraine, ce que nous ne ferons pas. La cobelligérance, c’est un argument des Russes », dit Bruno Tertrais, le directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. « La Russie fait la guerre à l’Ukraine depuis 2014, le conflit est entré dans une autre dimension en 2022, et elle s’invente une guerre avec l’“Occident collectif”, comme dit Poutine, estime Thomas Gomart. L’OTAN n’a pourtant pas déclaré la guerre et apporte une aide militaire pour aider l’Ukraine, en état de légitime défense. »

L’Elysée l’a répété, mercredi : contrairement à ce que prétend Moscou, la livraison de chars de combat à l’Ukraine « n’est pas escalatoire », à partir du moment où Kiev les utilise uniquement pour libérer ses territoires. Pour s’en assurer, les alliés imposent aux Ukrainiens un « cadre d’emploi »très strict de leurs matériels, même s’il s’agit d’une information classifiée. Selon une source française, Paris a ainsi exigé – entre autres conditions – qu’aucun de ses chars légers AMX-10 RC, dont Emmanuel Macron a annoncé le 4 janvier la livraison, ne soit utilisé sur le territoire russe.

C’est néanmoins pour cette raison que les alliés occidentaux de Kiev refusent de lui fournir un certain nombre de matériels militaires. Depuis des mois, les Ukrainiens demandent aux Etats-Unis de leur livrer des missiles à longue portée, afin de frapper des cibles russes situées loin du front. Appelés ATACMS (Army Tactical Missile System), ces projectiles guidés ont une portée pouvant atteindre 300 kilomètres, près de quatre fois celle des plus performants des missiles dont dispose l’armée de Kiev.« Les Américains estiment qu’il y a un trop grand risque que les Ukrainiens les utilisent pour frapper des cibles situées loin dans le territoire russe », explique une source militaire pour justifier le refus de Washington.

Cette même prévention vaut pour les avions de combat, en tout cas pour le moment. Soucieux d’appuyer leurs opérations au sol mais aussi d’imposer aux aéronefs russes une forme de « zone d’interdiction » au-dessus de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky a appelé à plusieurs reprises les Occidentaux à lui livrer des F-16, des avions de chasse américains anciens mais relativement faciles à prendre en main pour des pilotes habitués aux aéronefs d’origine soviétique. Washington comme les capitales européennes s’y refusent, estimant que ce serait franchir un nouveau palier dans la guerre. Cette prévention, comme celle avancée un temps pour les chars lourds, pourrait néanmoins ne pas durer. « En décembre [2022], on a eu le débat sur la défense sol-air. En janvier, on a eu celui sur les chars de combat. En février, on aura celui sur les avions de chasse », prédit l’entourage du ministre des armées, Sébastien Lecornu.