Source Le Monde
Airbus a du mal à tenir la cadence des commandes
L’avionneur européen a créé une nouvelle ligne d’assemblage à Blagnac pour sortir jusqu’à 75 appareils par mois
Guy Dutheil
Nous sommes avec l’industrie aéronautique ! », s’est écrié Bruno Le Maire. Accompagné de Clément Beaune, de Roland Lescure et de Dominique Faure, respectivement ministres des transports, de l’industrie et des collectivités territoriales, mais aussi de Carole Delga, présidente de la région Occitanie, le ministre de l’économie et des finances était venu assister, lundi 10 juillet, à l’inauguration de la nouvelle ligne d’assemblage final (FAL pour Final Assembly Line) d’Airbus à Blagnac, dans la banlieue de Toulouse – un aréopage important, à la mesure du principal objectif d’Airbus, indiqué par son président exécutif, Guillaume Faury : « Répondre à l’enjeu considérable de la montée en cadence. »
En effet, il ne suffit pas d’engranger les commandes, il faut produire les avions. Pour la deuxième année de suite, Airbus doit hausser sérieusement ses cadences de production pour tenir ses objectifs. En 2022, Guillaume Faury avait fixé à 720 le nombre d’avions qui devraient être livrés. Le rendez-vous a été manqué. Ralenti par des problèmes d’approvisionnement et des ratés de sa chaîne de sous-traitants, Airbus n’avait pu tenir le rythme fixé par son patron. A la fin de 2022, le compteur s’est arrêté sur 661 exemplaires livrés.
Pas d’équivalent chez Boeing
En 2023, Airbus s’est donné les moyens d’atteindre les niveaux attendus par sa direction, soit un total de 720 appareils à sortir des chaînes (le même objectif qu’en 2022). La nouvelle ligne d’assemblage sera principalement destinée à la production des moyen-courriers A320 et A321. Le site a pris ses quartiers dans les anciens locaux où était assemblé le défunt super-jumbo A380. Une usine cathédrale de 122 000 mètres carrés de superficie et 46 mètres de hauteur. C’est à une femme, Marion Smeyers, qu’Airbus a confié les commandes de sa nouvelle chaîne d’assemblage.
Avec cette usine, Airbus pourra tabler sur « dix lignes d’assemblage dans le monde » de son nouvel avion star, l’A321, s’est félicité M. Faury. L’appareil représente « 60 % des 4 000 » moyen-courriers du carnet de commandes d’Airbus. Il faut dire que l’A321 est le nouveau couteau suisse du transport aérien. Il a les capacités d’un long-courrier mais les dépenses associées sont celles d’un moyen-courrier. Et il s’agit d’un appareil dont Boeing ne possède pas d’équivalent. Après de longues tergiversations, l’américain a renoncé à construire ce modèle qui serait arrivé en retard par rapport à la concurrence et trop tôt pour bénéficier des avancées technologiques de l’appareil de prochaine génération.
Galvanisé, le patron d’Airbus a haussé ses ambitions à moyen terme, avec la volonté de produire « 75 avions monocouloirs par mois » d’ici à 2026, a-t-il précisé. Pourtant, la nouvelle FAL de Toulouse ne devrait pas aider l’avionneur européen à tenir ses objectifs pour 2023. L’usine baptisée « Jean-Luc-Lagardère », du nom de celui qui fut coprésident d’EADS, ancien nom du groupe Airbus, ne produira son premier avion qu’au début de 2024.
Avant cette échéance, « il va nous falloir “déverminer” l’usine, c’est-à-dire enlever tous les défauts » de jeunesse, a signalé Clément de Rancourt, responsable des deux usines d’assemblages d’A320 de la banlieue de Toulouse, à Blagnac et à Saint-Martin-du-Touch. Pour produire plus et plus vite en 2023, Airbus recrute à tour de bras. Déjà 2 000 embauches ont été réalisées cette année en France, sur les 3 500 prévues.
L’avionneur européen sait qu’il ne peut flâner en route. Son carnet de commandes déborde : près de 8 000 appareils restent à produire, c’est plus de dix ans de travail garanti. Airbus paie la rançon de son succès : un avion commandé aujourd’hui ne sera pas livré avant la fin de la décennie. Pour remplir son objectif en 2023, Airbus doit encore produire 404 avions d’ici à la fin de décembre. Pour ce faire, il a besoin de l’intégralité de sa chaîne de sous-traitants. A Blagnac, lundi, Christian Cornille, président de Mecachrome, l’un des principaux fournisseurs d’Airbus, se frottait par avance les mains. « Ce sont de très très bons problèmes à régler », se félicitait-il.
Inquiet pour les sous-traitants
En revanche, Bruno Le Maire s’inquiète pour les sous-traitants plus petits. Le ministre de l’économie appelle Airbus, mais aussi Safran, à se montrer « solidaires de ces PME qui ont vécu l’inflation » des coûts de l’énergie et des matières premières. A l’occasion de négociations qui se déroulent en ce moment, les fleurons français de l’aéronautique ne doivent « pas pressurer » les plus petits maillons de la chaîne, a plaidé M. Le Maire. Les industriels doivent permettre à ces PME « de répercuter une partie de l’inflation. Airbus a les reins solides. Il a les moyens d’absorber des augmentations des coûts de production », a-t-il encore ajouté. En contrepartie, a rappelé le ministre, l’Etat a accordé à la filière « une aide massive de 300 millions d’euros par an jusqu’en 2027 ».
Avec dix FAL d’ici deux ans, Airbus va conforter son rang de leader mondial de l’aéronautique, en particulier sur le segment des moyen-courriers de nouvelle génération, la famille des A320 et A321, où il détient déjà près de 70 % de parts de marché. Ces appareils sont de plus en plus prisés par les compagnies à bas coûts en Europe, mais aussi en Asie, en Chine et surtout en Inde.
A l’occasion du salon du Bourget, à la mi-juin, la compagnie low cost indienne IndiGo a annoncé une commande de cinq cents A320, la plus importante de l’histoire de l’aviation. Le contrat est évalué à plus de 44 milliards d’euros (prix catalogue). Signe des temps, un des premiers avions présents sur le tarmac à Blagnac est un A320 d’IndiGo, devenu la première cliente d’Airbus avec 1 330 avions livrés ou commandés.
Source: Les Echos