Un taxi aérien électrique pour les jeux de 2024 ?

Source: Les Echos

Taxis volants : le projet de Paris 2024 fait tiquer l’Autorité environnementale 

Le programme de taxis volants entre Roissy-CDG et Paris pour les Jeux Olympiques de 2024 suscite des interrogations de l’Autorité environnementale, qui juge l’étude d’impact « incomplète ». Le groupe ADP, à qui la RATP a confié le projet, promet des réponses à l’issue de la phase expérimentale, prévue jusqu’en décembre 2024.Lire plus tardCommenterPartager

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Le vertiport du quai d'Austerlitz, prévu pour l'été 2024, ne sera pas maintenu après les Jeux Olympiques.
Le vertiport du quai d’Austerlitz, prévu pour l’été 2024, ne sera pas maintenu après les Jeux Olympiques. (Mario Fourmy/SIPA)

Par Bruno Trévidic

Publié le 12 sept. 2023 à 11:00Mis à jour le 12 sept. 2023 à 16:37

Pour être au rendez-vous des Jeux Olympiques de 2024 et donner l’image d’une France innovante, le projet de taxis volants entre Roissy-CDG et Paris ne doit pas seulement franchir toutes les étapes du processus européen de certification avant l’été prochain. Il lui faut aussi surmonter quelques obstacles administratifs français parfois inattendus, comme l’Autorité environnementale française.

Dans un avis publié vendredi, cet organisme indépendant, chargé d’estimer l’impact environnemental des grands programmes, a jeté un froid en demandant à l’exploitant aéroportuaire groupe ADP de revoir sa copie concernant l’un de ses éléments clés du projet. A savoir le « vertiport » dédié aux futurs aéronefs électriques à décollage et atterrissage (Adav), qui serait installé sur une barge amarrée au quai d’Austerlitz, dans le sud-est de Paris.

Une étude d’impact « incomplète »

« L’étude d’impact, focalisée sur quelques aspects, est incomplète par choix du maître d’ouvrage qui limite le périmètre de son analyse à la seule opération de mise en oeuvre de la plateforme sur le fleuve », estime l’Autorité environnementale dans son avis. Cette étude « ne détaille pas assez les incidences […] sur les zones survolées (nuisances sonores par exemple), y compris autour d’autres plateformes de départ et d’arrivée », précise l’AE, qui demande un complément d’étude.

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L’impact potentiel des Adav sur leur environnement et la santé humaine serait en effet non négligeable, selon l’agence. Loin d’être silencieux, le Volocity de l’allemand Volocopter – le seul susceptible d’être certifié à temps pour les JO de 2024 – émet en moyenne 75 décibels au décollage à une distance de 15 mètres et plus de 60 décibels en vol, avec ses 18 rotors électriques, indique le rapport. C’est quatre fois moins qu’un hélicoptère classique, mais c’est déjà un bruit considéré comme fort.

Des aéronefs très énergivores

L’Autorité environnementale s’interroge également sur le bilan énergétique du projet. S’il n’utilise pas de carburant fossile et n’émet donc pas de CO2, le Volocity n’en reste pas moins très énergivore au regard de sa capacité d’emport. Sa consommation d’électricité serait de l’ordre de 190 kWh aux 100 km, pour un pilote et un unique passager, « contre 15 kWh/100 km pour une voiture électrique et 6 kWh/100 passager-km pour le métro ».

« L’augmentation des consommations énergétiques induite par le projet […] va à l’encontre de l’objectif de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2019-2028) de réduire de 16 % la consommation du secteur des transports », ajoute l’agence.

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L’Autorité environnementale a même estimé la quantité de CO2 généré par l’ensemble du projet, de la fabrication des aéronefs et du vertiport au mix électrique utilisé, pour aboutir au chiffre de 11 grammes de CO2/km. Ou encore 19,5 tonnes de CO2 pour la phase d’expérimentation, pour un trafic qui devrait se limiter à moins de 5.000 passagers au total.

Un avis sans conséquence

L’avis de l’AE n’étant que consultatif, ses recommandations et ses réserves ne remettent pas en cause ce projet emblématique porté par ADP, la RATP et le fabricant allemand Volocopter. Selon ADP, à qui la RATP a discrètement transféré la maîtrise d’ouvrage du projet, une partie des questions soulevées trouveront des réponses à l’issue de cette enquête d’utilité publique, du 6 novembre au 8 décembre. Mais aussi et surtout à l’issue de la phase d’expérimentation, prévue pour durer de juin à décembre 2024.

« Nous sommes bien dans le cadre d’une démarche d’expérimentation, souligne Edward Arkwright , le directeur général exécutif du Groupe ADP. Nous verrons à l’issue de cette phase quelles pourraient être les futures liaisons exploitables, mais comme nous l’avions toujours dit, le vertiport d’Austerlitz n’est qu’une structure provisoire. »

Des liaisons éphémères ?

Il n’est pas non plus certain que les autres liaisons prévues entre Roissy-CDG et l’aéroport du Bourget, ainsi qu’entre l’héliport d’Issy-les-Moulineaux et l’aérodrome de Saint-Cyr-l’Ecole, au sud-ouest de Paris, soient prolongées au-delà de cette phase d’expérimentation. Même si l’expérimentation est un succès, il est en effet peu probable que les Adav trouvent leur équilibre économique aussi rapidement.

Pour cela, il faudra probablement attendre la prochaine décennie et la certification des vols sans pilote. Car dans la configuration actuelle, nécessitant un pilote professionnel pour un seul et unique passager et un centre de contrôle, il paraît difficile de fonctionner sans subventions, même à raison de 110 euros le trajet (selon le prix annoncé par le PDG d’ADP).

Le vertiport du quai d’Austerlitz coûtera, à lui seul, quelque 3 millions d’euros, dont un million sera pris en charge par la Région. Le reste sera aux frais d’ADP, qui doit également finaliser avec Volocopter le contrat de répartition du risque commercial.

Bruno Trévidic