https://fr.wikipedia.org/wiki/Internet_des_objets
Source: Le Monde
Avec ses nanosatellites, Kinéis trace les wagons, les conteneurs et même le bétail
La start-up française va déployer la première constellation européenne de satellites destinée à l’Internet des objets, qui permettra de faire évoluer le programme de localisation Argos
Dominique Gallois
La fenêtre de tir a été arrêtée pour un lancement à partir d’une base spatiale installée en Nouvelle-Zélande, sur la côte Pacifique de l’île du Nord. Entre le 10 juin et le 9 juillet, une minifusée Electron de l’américain Rocket Lab emportera cinq nanosatellites conçus par la start-up française Kinéis. Quatre autres tirs rythmeront les mois suivants, permettant de former une constellation de vingt-cinq satellites consacrée à l’Internet des objets, la première en Europe. Elle évoluera pendant huit ans à 650 kilomètres de la Terre sur une orbite polaire, dite « héliosynchrone ».
« Ainsi se concrétise la levée de fonds de 100 millions d’euros que nous avons faite voici quatre ans », apprécie Alexandre Tisserrant, le directeur général de cette entreprise toulousaine comptant une soixantaine de salariés, issue de la scission d’activités de la société Collecte localisation satellites (CLS) en 2018, une filiale du Centre national d’études spatiales (CNES). L’objectif était de faire évoluer le système Argos, destiné aux programmes scientifiques comme le suivi d’animaux et d’oiseaux migrateurs, mais aussi la localisation des bateaux grâce à des liaisons satellitaires. Opéré depuis 1978 par CLS et le CNES, ce réseau a atteint ses limites, pénalisé par des coûts élevés mais aussi par des temps de réactivité très long, les données n’étant actualisées que toutes les deux ou trois heures.
Changement de dimension
Forte des avancées technologiques et de la miniaturisation des équipements, la start-up a conçu un satellite de la taille d’une boîte à chaussures d’une trentaine de kilogrammes, permettant à la constellation de fournir des données toutes les dix à quinze minutes.
Quant aux balises, leur taille s’est aussi réduite à celle d’une boîte d’allumettes, voire d’un ongle, et leur poids s’est allégé, pouvant tomber à quelques grammes. La baisse des coûts a aussi permis de diviser les prix par dix, tant pour les objets connectés ramenés à 100 euros que pour les tarifs de connectivité. Ces liaisons interactives quasi permanentes, indépendantes des systèmes de positionnement GPS et Galileo, ajoutent d’autres perspectives de débouchés à celui d’origine destiné à la surveillance environnementale. Cela va du suivi de conteneurs, de wagons, mais aussi du bétail… Un changement radical de dimension qui ouvre un marché de 300 à 500 millions d’euros par an.
« Nous visons un tiers du marché à l’horizon de sept à huit ans », affirme le patron de Kinéis. Ce serait plus qu’un décuplement de l’activité comparé aux 8 millions d’euros d’aujourd’hui, l’objectif intermédiaire étant d’arriver à la rentabilité en 2026, en atteignant les 20 millions d’euros de chiffre d’affaires.
« Kinéis est un exemple intéressant de l’évolution de l’environnement spatial », estime Lionel Suchet, directeur général délégué du CNES, rappelant qu’au départ le système Argos était uniquement à visée scientifique. « Ce n’est pas un gadget du “New Space” [un mouvement lié à l’apparition d’une industrie spatiale d’initiative privée], mais une avancée majeure de la technologie », insiste-t-il. Pour l’instant la concurrence est rare, car même si les projets de constellation de l’Internet des objets sont nombreux, peu se concrétisent. Le plus avancé est celui de la société australienne Myriota, qui va se doter d’un réseau de 50 nanosatellites. En revanche, en Europe, deux start-up, une néerlandaise, l’autre suisse, ont abandonné.