Paris et l’expérimentation des eVTOL

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Source: Le Monde

L’expérimentation de taxis volants autorisée à Paris pendant les JO

Des minihélicoptères transportant un pilote et un passager procéderont à des vols d’essai 

Guy Dutheil

C’est in extremis, à quelques semaines de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, que les premiers taxis volants à circuler en France ont obtenu, mercredi 12 juin, le feu vert des autorités pour procéder à des vols expérimentaux en région parisienne, le temps des Jeux. Et ce malgré plusieurs avis défavorables de l’administration. Pas question, d’ailleurs, de commercialisation. Le ministre des transports, Patrice Vergriete, a seulement « autorisé l’expérimentation », se félicite tout de même Edward Arkwright, directeur général de Groupe ADP.

Depuis quelques jours, et en toute hâte, le gestionnaire d’aéroports installe un vertiport sur une barge ancrée à quelques encablures de la gare d’Austerlitz et au pied de la Cité du design et de la mode, dans le 13e arrondissement de Paris. Elle est destinée à accueillir les appareils du constructeur allemand Volocopter, des engins au look futuriste, à mi-chemin entre le drone et l’hélicoptère. A l’occasion des Jeux de Paris, ils devraient effectuer « quelques vols », indique encore le numéro deux d’ADP. 

En pratique, chaque taxi volant ne transportera que deux personnes, un pilote et son passager. Pour le gestionnaire d’aéroports, cette phase de test sera limitée dans le temps puisque « la barge devra être démontée au plus tard le 31 décembre 2024 », signale le directeur général. Le site de démonstration d’Austerlitz ne sera pas le seul point de départ des appareils. Ces engins, aussi dénommés VTOL (pour « vertical take-off and landing »), « aéronefs à décollage vertical », voleront aussi depuis quatre autres vertiports installés à Saint-Cyr-l’Ecole (Yvelines), à l’héliport d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et aux aéroports du Bourget (Seine-Saint-Denis) et de Roissy-Charles-de-Gaulle (Val-d’Oise). Grâce au vertiport d’Austerlitz, les taxis volants pourront entrer dans Paris sans passer au-dessus des habitations mais en survolant la Seine.

« Aberration écologique »

En effet, les VTOL de Volocopter n’ont pas obtenu de certification autorisant une exploitation commerciale. Il n’empêche, cette expérimentation est une petite victoire pour Groupe ADP et ses partenaires, en l’occurrence la RATP, la région Ile-de-France et la direction générale de l’aviation civile.

Les promoteurs de l’opération ont dû éviter nombre d’obstacles. Le moindre étant finalement celui placé par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA). Cette dernière a imposé aux VTOL des normes de certification aussi sévères que pour un avion de ligne. Un taxi volant développé par le constructeur américain Joby s’est crashé en Californie en février 2022. Il s’agissait toutefois d’un engin différent de ceux de Paris car sans navigateur, et piloté à distance.

Outre les contraintes techniques, le projet taxis volants est, grâce à l’autorisation ministérielle, passé à travers plusieurs censures administratives et politiques. En septembre 2023, l’Autorité environnementale avait rendu un avis défavorable à l’exploitation des taxis volants le temps des JO. Selon elle, l’étude d’impact du vertiport d’Austerlitz était « incomplète ». Elle jugeait les appareils pas assez sobres en matière de consommation électrique et trop bruyants pour décoller et atterrir sur une barge ancrée dans la capitale. La Mairie de Paris s’était aussi opposée aux VTOL. Le Conseil de Paris avait, en novembre 2023, rendu un avis négatif, qualifiant le projet d’« absurde » et d’« aberration écologique ».

Nouveau coup dur, en février, le commissaire chargé de mener une enquête publique a estimé qu’installer un vertiport dans Paris générerait trop de nuisances. A l’époque, il considérait que « les gains potentiellement apportés par le projet ne justifient pas les inconvénients qui seront supportés pendant l’expérimentation ». Toutefois, le dernier mot devant revenir au ministre des transports, ce dernier a décidé de donner son aval aux taxis volants, considérés comme une « vitrine du savoir-faire français » à l’occasion des JO.

In fine, au sortir des Jeux, « les taxis devraient obtenir leur certification, attendue fin septembre, début octobre, pour voler au-dessus des zones habitées », annonce M. Arkwright. Une manière, pour les promoteurs du programme, de « démontrer le potentiel technique et commercial » des VTOL, explique le directeur général d’ADP. En effet, avec la certification, les taxis pourront transporter un passager payant à chaque vol. Le prix de la course a été estimé autour de 110 euros.

Enfin, avec le sésame de l’EASA en poche, Groupe ADP pourra aussi tester« des vols sanitaires avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris », ajoute M. Arkwright. Le vertiport d’Austerlitz n’a pas été choisi au hasard. Il est tout proche de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. « Sans expérimentation, il est difficile de répondre aux interrogations légitimes liées au projet, dont nous sommes convaincus de l’utilité, notamment en matière sanitaire », a conclu Augustin de Romanet, PDG de Groupe ADP.