Boeing 787 : réflexions sur des incidents électriques

Le 8 juillet 2007, date qui en américain correspond à 7-8-7, le Boeing 787 sortait d’usine. Avant même son premier vol, il avait été commandé à quelques 800 exemplaires. Deux ans et demi après,  il effectue son premier vol le 15 décembre 2009 et est certifié par la Federal Aviation Administration (FAA) le 26 août 2011. La première livraison a eu lieu le 26 septembre 2011 à la compagnie All Nippon Airways (ANA).

Outre l’usage des composites à très large échelle (ailes, fuselage …), il est caractérisé par une électrification générale et un mode de financement, de développement et de production faisant largement appel à des tiers partenaires étrangers ou américains. On considère en effet que 70% de sa valeur ajoutée est produite hors des ateliers de Boeing. Le Japon à lui seul représente 35%.

Le 16 janvier 2013, après deux incidents, la FAA suspend sa certification. Les cinquante exemplaires déjà livrés aux compagnies aériennes sont cloués au sol le jour même.

Ces deux incidents impliquent les batteries au Lithium-Oxyde de Cobalt  très légères : 28,5 Kg seulement pour 8 cellules de 4 volts délivrant 75 Ampères/heure. Le premier incident, le 7 janvier concerne un 787 au sol  aux USA avec feu de cellules et dégradations. Le second en vol au dessus du Japon, le 16 janvier se manifeste par des émissions de fumée nécessitant un atterrissage d’urgence. Dans les deux cas, des courts circuits ont eu lieu avec surchauffe et réaction chimique.

Boeing n’ignorait pas les risques potentiels de ces batteries au Lithium-Oxyde de Cobalt et avait créé un système de gestion et de contrôle pour les minimiser à moins de 1 cas pour 10 millions d’heures de vol. Les deux incidents sont arrivés seulement après 100.000 heures de vol.

Le système de monitoring mis en place s’est avéré problématique : même en coupant dans le cockpit, au sol toute l’alimentation électrique, le remplissage des réservoirs ou l’ouverture des portes des soutes pour déchargement entrainait par exemple une consommation électrique involontaire par l’activation des alarmes. De ce fait les batteries non rechargeables au deçà d’un certain niveau de charge ont été remplacées à un rythme plus rapide que prévu. Mais la FAA n’a pas été informée de ces imperfections.

La FAA n’avait aucune expérience antérieure de ce type de batterie en usage aéronautique mais avait fixé des conditions strictes pour leur acceptation. Des fumées et a fortiori des feux représentent un risque inacceptable à bord d’un avion commercial. Boeing avait intégré un système de ventilation pour éliminer d’éventuelles fumées, ce qui laisse à penser qu’elle ne les excluait pas.

Peut-être aussi la FAA n’a-t-elle pas été assez formelle lors du processus de certification dans le cas du 787. La FAA emploie communément des experts des constructeurs pour les tests et la certification parce qu’elle ne dispose pas toujours du personnel adéquat. Il est évident que le risque de conflit d’intérêt est patent.

Depuis la mi-janvier des investigations poussées ont été faîtes mais sans que l’on puisse conclure sur les causes premières des incidents. A ce jour, il est peu probable que l’autorisation de reprise des vols commerciaux ne soit prise avant plusieurs semaines voire plusieurs mois selon les spécialistes du secteur.

Les compagnies aériennes qui ont déjà souffert d’une mise en service retardée de 3 ans et demi vont devoir pallier en urgence l’indisponibilité des 787 et rechercher sur le marché du leasing des appareils de remplacement (tout en exigeant de Boeing des dédommagements conséquents).

Ces incidents ont aussi un impact sur les avions en développement tels que le A350XWB qui doit voler courant 2013. Airbus prévoit de le certifier avec des batteries CaNi moins performantes mais plus sûres.

Ces incidents semblent impliquer non seulement les accumulateurs (batteries en anglais) mais aussi le logiciel de monitoring et les panneaux de distribution électrique (voir l’incendie intervenu lors des essais en vol avant la mise en service).

Le choix de la sous-traitance à outrance y compris au niveau de la conception (risk-sharing) est a priori séduisant financièrement mais s’avère problématique à gérer techniquement. Le contrôle de qualité en pâtit … et finalement les finances.

Le texte ci dessus est un résumé en français de l’article paru dans Air International de mars 2013

Impact financier des incidents : http://lf5422.wordpress.com/?s=787+milliards

Aitres billets parus sur le 787 : http://lf5422.wordpress.com/?s=787

Sur le concept d’Outsourcing : http://en.wikipedia.org/wiki/Outsourcing

Un livre intéressant à lire sur la prise de décision dans les grands projets : http://www.amazon.fr/Les-décisions-absurdes-Sociologie-persistantes/dp/2070315428

 

 

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