2019-2038 : vingt ans selon Airbus

Airbus relève ses prévisions de commandes d’avions

Guy Dutheil (journal Le Monde)
Les compagnies aériennes auront besoin de 39 000 avions neufs dans les vingt ans à venir, dont une majorité de moyen-courriers
Le mouvement « flygskam » né en Suède, « la honte de prendre l’avion », est encore loin d’atteindre les constructeurs d’aéronefs. En témoignent les prévisions dévoilées, mercredi 18 septembre, par Airbus. Selon les décomptes de l’avionneur européen, les compagnies aériennes auront besoin de 39 000 avions neufs au cours des vingt prochaines années. Des chiffres en forte hausse. Il y a un an, Airbus tablait « seulement » sur 37 390 appareils jusqu’en 2037. Cet appétit gargantuesque des compagnies devrait générer un véritable pactole tant pour Airbus que pour Boeing. Il devrait même franchir le seuil des 6 000 milliards de dollars (environ 5418 milliards d’euros) même si Airbus a décidé de ne plus publier les prix catalogue de ses productions.

Sans surprise, le segment des avions moyen-courriers se taille la part du lion. Les A220 et la famille des A320 pour Airbus, ainsi que le 737 de Boeing, devraient représenter près de 75 % des ventes, soit environ 30 000 appareils au cours des vingt ans à venir. Surtout, avec ces chiffres optimistes, l’avionneur européen montre qu’il croit en un retour prochain dans les airs du 737 MAX de Boeing, pourtant cloué au sol depuis plus de six mois maintenant.

A l’examen, le boom des moyen-courriers valide chaque année un peu plus la stratégie d’Airbus qui avait été le premier constructeur à se lancer dans la production d’une version remotorisée de cette catégorie d’appareils. Moins gourmande en kérosène, elle permet une économie de consommation de carburant de 15 %. Désormais, l’A320 Neo fait la course en tête auprès des compagnies aériennes. Airbus en a déjà 6 238 en commande et il détient plus de 60 % de parts de marché, loin devant son rival américain. Malgré ses déboires, le 737 MAX de Boeing a déjà été commandé à 5 000 exemplaires.

Dominateur sur le moyen-courrier, Airbus est en passe de le devenir aussi sur le segment medium, celui des appareils dit flexibles, capables d’assurer aussi bien des vols moyen-courriers que de relier des destinations long-courriers. Sur ce secteur, Airbus peut compter sur son A330 Neo mais surtout sur son tout nouveau A321XLR. Un avion qui réussit la quadrature du cercle : capable de couvrir des vols longue distance avec les coûts d’un moyen-courrier, cet appareil est devenu le nouveau best-seller de l’avionneur européen. Il représente 50 % de ses commandes de moyen-courriers. D’ici 2038, Airbus prévoit que la demande sur ce secteur medium, qui voit s’affronter l’A330 Neo, l’A321XLR et le 787-800 de Boeing, atteindra les 5 000 appareils.

Ces prévisions illustrent la montée en puissance des compagnies low cost. Après le moyen-courrier, ces dernières ont pris pied sur le marché des longues distances, à l’instar de Norwegian, en Europe, ou d’Indigo, en Inde. Face au succès toujours plus important des appareils monocouloirs, les avions long-courriers resteront les moins demandés d’ici 2038. Les commandes pour l’A350 d’Airbus ou les 787 et le futur 777X de Boeing ne devraient pas dépasser les 4 000 exemplaires.

Demande de la Chine

Dans le détail, c’est l’Asie qui fait chaque année un peu plus figure de nouvel eldorado pour les avionneurs. Au cours des vingt prochaines années, la zone Asie-Pacifique devrait concentrer à elle seule pas moins de 42 % des besoins d’avions neufs dans le monde. Une demande portée par l’émergence, notamment en Chine, d’une classe moyenne de plusieurs centaines de millions de personnes. L’Asie creuse l’écart sur l’Europe et les Etats-Unis qui ne représentent plus, à eux deux, que 36 % des commandes à venir.

La bonne tenue du secteur aéronautique est le reflet de la vitalité du trafic passagers. Rien ne montre qu’il pourrait ralentir dans un avenir proche. Airbus prévoit qu’il devrait croître de 4,3 % par an jusqu’en 2038. En 2019, l’avionneur s’attend à un trafic passager en hausse de 5 %, soit 200 millions de passagers supplémentaires par rapport à l’an dernier. En 2018, qualifiée d’année exceptionnelle, la croissance du trafic passagers avait atteint les 7 %.

Assis sur un tas d’or, les avionneurs tentent de parer aux critiques des défenseurs de l’environnement. A les en croire, ils seraient parvenus, ces trente dernières années à réduire de 53 % les émissions de gaz carbonique par passager au kilomètre transporté. Cette tendance devrait, selon eux, s’amplifier à l’avenir. Les constructeurs « anticipent une amélioration de la productivité de l’industrie aéronautique ». Ils prévoient, comme Airbus, que « les avions vont être de mieux en mieux utilisés ». En pratique, face à l’afflux de passagers, ils seront « plus remplis, avec plus de sièges, ils voleront plus loin et seront de plus en plus utilisés ».

L’avionneur européen devrait réaliser une année historique en 2019 et battre son record de livraison avec 880 à 890 appareils contre 800 en 2018. Un record qui ne devrait pas tenir plus d’un an. En effet, avec l’augmentation des cadences de production, Airbus prévoit déjà l’accroissement de ses livraisons d’une année sur l’autre.

Boeing, en revanche, devrait connaître une année noire. Avec son 737 MAX toujours interdit de vol dont les exemplaires s’entassent sur des parkings, Boeing ne peut livrer ses clients. Faute d’avions, de nombreuses compagnies, notamment américaines, doivent supprimer des milliers de vols et fermer certaines destinations. Certaines d’entre elles pourraient annoncer, à partir d’octobre, l’annulation de leurs commandes, faute d’avoir pu prendre livraison de leurs 737 MAX.

Les Echos du 2019-09-19