Covid-19, low cost vs long courriers

Le Monde du 07/08/2020

La bonne fortune des compagnies low cost

Guy Dutheil

Alors que les compagnies aériennes traditionnelles souffrent toujours des conséquences de la pandémie, notamment sur le long-courrier, leurs concurrentes à bas coûts résistent mieux

Pour les grandes compagnies régulières, telles Air France, British Airways ou encore Lufthansa, c’est la double peine. Non seulement leurs économies ont été mises à mal pour plusieurs années par la pandémie mais en plus elles voient leurs plus sérieuses rivales, les compagnies à bas coûts, redresser la tête bien plus rapidement que prévu. Les unes après les autres, Wizz Air, Ryanair et, enfin, easyJet ont montré leur résistance à la crise.

C’est la compagnie low cost hongroise Wizz Air qui a ouvert le bal. Début juin, à l’occasion de la publication de ses résultats annuels, elle a annoncé un bénéfice net de 292 millions d’euros. Mieux, la compagnie anticipe un résultat encore supérieur en 2021. Elle prévoit que son bénéfice devrait s’établir entre 320 millions et 350 millions d’euros.

Ces solides performances donnent des ailes à Wizz Air. Elle veut profiter de sa bonne fortune pour se développer. Elle a demandé la fin du moratoire sur les créneaux d’atterrissages et de décollages. Ce sont les fameux « slots », très recherchés dans certains aéroports très encombrés. Wizz Air voudrait remettre en vigueur la règle du « use-it-or-lose-it » (« utilise le créneau ou tu le perds »). En temps normal quand une compagnie n’utilise pas ses créneaux horaires ils sont remis au pot pour que d’autres puissent les reprendre. Cette disposition a été suspendue par Bruxelles à cause de la crise due au coronavirus qui a presque totalement stoppé l’activité des compagnies aériennes pendant plusieurs mois. Maintenant que le trafic reprend, Wizz Air estime que le moratoire ne se justifie plus. Au contraire, la compagnie hongroise considère que son maintien est une barrière à l’entrée de certains aéroports recherchés comme celui de Gatwick dans la banlieue de Londres.

Trou d’air

Outre Wizz Air, Ryanair a aussi fait montre de résultats solides. Le groupe a certes connu, d’avril à juin, le plus mauvais trimestre de son histoire, avec une perte de 185 millions d’euros, mais il a fait mieux que prévu. Mercredi 5 août, la compagnie irlandaise à bas coûts, la plus rentable d’Europe, a annoncé que son trafic était, au mois de juillet, en baisse de 70 % par rapport à 2019. En juillet 2020, elle a tout de même transporté 4,4 millions de passagers contre 14,8 millions il y a un an. Sur ce mois, la low cost a fonctionné à 40 % de ses capacités mais, le taux d’occupation de ses avions s’est élevé à 72 %.

Pendant que les low cost reprennent un peu de couleurs, les compagnies régulières restent engluées dans la crise. Pour preuve, mercredi 5 août, Lufthansa a annoncé 3,6 milliards d’euros de pertes pour le premier semestre, avec une chute de 96 % des passagers transportés. Air France connaît le même trou d’air, avec un repli de 95,6 % de ses passagers. D’ailleurs, il a décidé de ne plus publier les données de son trafic mensuel. Au deuxième trimestre, l’entreprise nationale n’a transporté que 1,2 million de passagers contre 27,8 millions pendant la même période il y a un an. En trois mois, elle aura transporté près de quatre fois moins de passagers que Ryanair pour le seul mois de juillet.

Après Wizz Air et Ryanair, c’est easyJet qui a signalé des indicateurs meilleurs qu’espérés. Avec les départs en vacances, la compagnie britannique a eu la bonne surprise d’accueillir plus de passagers qu’elle n’en attendait. « Nous constatons également un niveau de demande plus élevé et des taux de remplissage de 84 % en juillet avec des destinations telles que Faro et Nice, toujours très demandées », a déclaré Johan Lundgren, directeur général d’easyJet. Et ce n’est pas fini ! La période estivale s’annonce très profitable pour la compagnie à bas coûts.

« Nos réservations pour le reste de l’été sont meilleures qu’initialement prévu et nous avons par conséquent décidé de faire voler près de 40 % de nos capacités au cours du 4etrimestre. Cette hausse nous permettra d’offrir davantage d’opportunités aux familles ou amis de se retrouver au cours de congés tant attendus », se frotte les mains M. Lundgren. Surtout, easyJet a réussi à moins dépenser de cash qu’elle ne le redoutait au deuxième trimestre. Alors qu’elle tablait sur une perte de 1 milliard de livres sterling (environ 1,1 milliard d’euros), elle a limité la casse à 833 millions d’euros. Pour réduire ses coûts, la compagnie britannique prévoit notamment de supprimer 30 % de ses effectifs en 2021, soit près de 4 500 postes.

Le retour plus rapide à meilleure fortune des low cost s’explique. Consacrées exclusivement au moyen-courrier, ces compagnies bénéficient de la réouverture des frontières au sein de l’espace Schengen. Tout l’inverse des compagnies régulières dont l’économie dépend essentiellement du long-courrier encore pratiquement à l’arrêt. Seul bémol, easyJet, qui s’était diversifiée dans le voyage d’affaires, a vu ses recettes pâtir du repli de ces passagers à haute contribution. Aux 3,9 milliards d’euros de trésorerie de sa rivale Ryanair elle ne peut opposer « que » 2,4 milliards d’euros en comptant les 663 millions d’euros (600 millions de livres) accordés par les autorités britanniques.