Vers un carburant sans la honte ?

Le Monde du 16/11/2021

Par Philippe Escande

Des sables du désert aux lacs écossais, deux visions du monde se toisent. Alors que la 26e conférence sur le climat vient de s’achever à Glasgow sur de nouveaux rappels à l’urgence climatique, les participants du salon de l’aéronautique de Dubaï, qui devait s’ouvrir ce lundi 15 novembre, renouent avec l’euphorie. Selon leurs calculs, entre 2020 et 2050, cinq fois plus d’habitants de la planète emprunteront un avion. Dix millions de terriens qui visiblement ne connaissent pas « la honte de voler », popularisée par les défenseurs de l’environnement. Mais ces deux visions ne sont pas si antagonistes. Il a fallu près de 400 avions pour acheminer les participants à Glasgow. Et puis, le monde du transport aérien devra bien faire sa part du chemin vers la décarbonation de l’économie en 2050. Aujourd’hui, il représente autour de 3 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Si rien n’est fait, elles représenteront plus de 6 % dans vingt ans.

Prix du ticket

Que faire ? Le plus simple, serait de voyager moins. Ce n’est pas l’option retenue par les industriels de l’aérien, qui peinent déjà en temps normal à gagner de l’argent. L’idéal, pour eux, serait l’avion à hydrogène ou carrément l’avion électrique. Mais ces solutions ne seront pas prêtes pour des avions commerciaux de 150 places avant 2035-2040.

Reste la solution des carburants « soutenables ». Les synthétiques, à base de carbone et d’hydrogène, n’existent pas à l’échelle industrielle. En revanche, les biocarburants sortent déjà des raffineries. Ils sont produits à partir de matière organique, plantes, déchets, résidus… Ils sont mélangeables avec le kérosène actuel et utilisables sur les moteurs classiques. La limite du mélange est de 50 %, mais les constructeurs de moteurs pourraient bientôt sortir des engins utilisant 100 % de biocarburant. Dans ce cas, la réduction des émissions pourrait atteindre, sur tout le cycle, près de 80 %. Seul souci, ils sont entre quatre et huit fois plus cher et représentent donc moins de 0,1 % des usages. Le prix pourrait baisser avec le volume mais pas au point d’effacer la différence. Conséquence, admise à demi-mot, le prix du ticket devra augmenter, surtout si les normes, et une éventuelle taxe carbone, obligent à des résultats d’ici à 2030. Low cost ou pas, l’avion pas cher à du souci à se faire.