Ryanair: le « pré-covid » dépassé

Ryanair : une sortie de crise accompagnée de bénéfices record et d’un boom du trafic

La compagnie aérienne irlandaise est aussi parmi celles qui ont le plus relevé leurs tarifs

Le Monde 2022/11/09

Guy Dutheil

C’est fait ! Ryanair a retrouvé ses standards d’avant la crise. La compagnie aérienne irlandaise à bas coût a enregistré cet été le plus gros bénéfice après impôts de son histoire. Le premier semestre de son exercice décalé s’est achevé, fin septembre, sur un profit de 1,371 milliard d’euros, a précisé Ryanair, lundi 7 novembre. Et cette performance ne serait qu’un simple avant-goût. L’avenir s’annonce plus que riant pour la compagnie low cost.

L’hiver prochain, pourtant une période traditionnellement peu favorable au transport aérien, Ryanair table déjà sur un bénéfice après impôts compris entre 1 milliard et 1,2 milliard d’euros. Une prévision qui reste, toutefois, selon la direction du transporteur, « énormément dépendante »d’un regain de la pandémie et de la situation internationale, notamment des conséquences de la guerre en Ukraine. Mais l’optimisme est de rigueur, car « les réservations et les tarifs restent solides pour la période des vacances d’octobre et en prévision de celles de Noël », a-t-il fait savoir.

De fait, ni l’inflation galopante en Europe ni les menaces de récession ne semblent en mesure de porter atteinte à la santé retrouvée de la compagnie low cost. « Nous nous attendons à une croissance forte en cas de récession, car les consommateurs ne vont pas arrêter de voler, mais vont plutôt devenir sensibles aux tarifs », veut-elle croire. Les passagers vont continuer de voyager mais en privilégiant encore plus les tarifs les plus bas. Ceux justement des compagnies à bas coût comme Ryanair.

Contrairement aux souhaits des défenseurs de l’environnement, les préoccupations écologiques ne semblent pas peser bien lourd face au diktat du porte-monnaie. En témoigne le boom du nombre des passagers de la compagnie irlandaise. Face à l’afflux, cette dernière a même rehaussé « ses prévisions de trafic pour l’exercice 2022-2023 à 168 millions de passagers contre 166,5 millions, ce qui marque une augmentation de 13 % comparée au trafic pré-Covid », s’est réjoui la Ryanair. Un chiffre bien supérieur au record de 149 millions de passagers atteint avant le début de la pandémie. Et ce n’est pas fini. En 2023, Ryanair compte bien pulvériser tous ses records. Elle prévoit de transporter 185 millions de passagers.

Exit le billet à 10 euros

Le fort rebond dont bénéficie la compagnie irlandaise semble paradoxal. Celle qui est devenue le premier transporteur européen après avoir été la compagnie la plus rentable est aussi parmi celles qui ont le plus relevé leurs tarifs. Selon la direction générale de l’aviation civile (DGAC), entre septembre 2021 et septembre 2022, la hausse du prix du billet d’avion s’est poursuivie « à un rythme soutenu » pour atteindre 20,4 % toutes destinations confondues.

Sur les lignes internationales, précise encore la DGAC, l’augmentation de 23,6 % des tarifs est « fortement tirée par le réseau international moyen-courrier », et principalement par les compagnies low cost comme Ryanair, Easyjet et consorts qui « alimentent tout particulièrement cette évolution ». Un constat qui sonne le glas du billet à 10 euros annoncé cet été par Michael O’Leary, PDG de Ryanair.

Avec ses si confortables bénéfices et ses mirifiques profits à venir on comprend mieux pourquoi le réputé très pingre patron de la compagnie irlandaise a accepté de desserrer, un tout petit peu, les cordons de sa bourse pour rétablir la paix sociale. Outre l’annulation des baisses de salaire exigées des personnels pendant la pandémie, la direction de Ryanair a conclu, en France, en septembre, un accord avec les salariés.

Désormais, explique Damien Mourgues, délégué syndical du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC-FO) de Ryanair, « la compagnie va appliquer le droit du travail ». Un accord « obtenu au forceps », précise le syndicaliste, par lequel le transporteur s’engage à appliquer « une revalorisation salariale des hôtesses et des stewards les plus précaires ». Ces derniers auraient obtenu, note M. Mourgues, 200 euros d’augmentation, « une belle avancée ». Mais qui n’a rien d’un luxe. Selon le délégué du SNPNC, en France, le salaire de base d’un PNC de Ryanair ne dépasse pas 854 euros par mois, auxquels s’ajoutent 8,50 euros par heure de vol. Au total, une hôtesse ou un steward touche environ 1 400 euros net mensuels.