La voile solaire spatiale

Gama a lancé un premier voilier solaire dans l’espace

Dominique Gallois

Le Monde du 12/01/23

Naviguer à la voile dans l’espace grâce à la lumière du Soleil, comme un voilier sur les océans avec le vent, est en passe de devenir réalité. Trois ans après sa création, la start-up francilienne Gama a lancé sa première mission pour tester ce mode de propulsion non polluant. Le 3 janvier, une fusée Falcon 9 de SpaceX a embarqué 114 petits satellites, parmi lesquels Gama Alpha, qui a été mis en orbite à 538 kilomètres de la Terre. Les premières communications ont été établies avec succès quelques jours plus tard.

D’ici trois mois, au printemps, ce satellite de la taille d’une boîte à chaussures devrait s’ouvrir, libérant la toile qu’il transporte. La manœuvre s’annonce délicate, en raison de la taille de la voilure qui en sortira : 73,3 mètres carrés pliés en origami, pesant 400 grammes, pour une épaisseur de 2,5 microns, cinquante fois moins qu’un cheveu. Une fois déployée, cette voile utilisera la propulsion photonique, c’est-à-dire la pression produite par les photons émis par le Soleil, lorsqu’ils entrent en contact avec une surface réfléchissante. Après quelques tours autour de la Terre, le satellite sera ensuite désorbité.

Deux autres missions sont programmées en 2024 et à l’horizon 2026. Gama Beta testera la voile à 1 200 kilomètres d’altitude, la faisant aller d’un point A à un point B. La troisième expédition ira plus vers le « deep space », le cosmos lointain, espère Louis de Gouyon Matignon, l’un des trois fondateurs de Gama, avec Thibaud Elzière et Andrew Nutter. « Vers la Lune et pourquoi pas vers Mars ou Vénus », imagine-t-il.

Le voilier solaire pourra emporter des équipements d’observation, d’un poids total de 1 à 2 kilos, pour des missions scientifiques. « Nous cherchons plus des clients que des actionnaires, prêts à payer pour faire des photos de Vénus ou frôler des astéroïdes », explique le trentenaire.

Ce nouveau moyen de propulsion intéresse l’armateur marseillais CMA CGM, qui affiche des ambitions dans le spatial, ayant renforcé sa participation dans l’opérateur français de satellites Eutelsat. La voile solaire « pourrait théoriquement accélérer à des vitesses jamais atteintes par des objets créés par l’humanité », souligne le groupe de transport maritime, qui contribue pour près de 10 % à cette mission, au coût total de 2,3 millions d’euros. Un soutien bienvenu. « Dans la mesure où il n’y a pas d’applications immédiates pour la voile solaire, il nous faut une part importante de mécénat pour avancer », reconnaît Louis de Gouyon Matignon, n’hésitant pas à faire une analogie avec « les couronnes vénitienne espagnole ou portugaise qui finançaient les expéditions vers le Nouveau Monde ». D’où le nom de la start-up, un hommage au navigateur Vasco de Gama.