Source: Les Echos
Voir aussi (source Le Monde)
Les aéroports espèrent éviter un chaos aux frontières cet été
Contrairement à 2022, Groupe ADP veut anticiper l’afflux de touristes
Guy Dutheil
Des embouteillages aux postes-frontières, des files interminables de passagers excédés, c’est tout ce que voudraient éviter, cet été, l’Etat et les gestionnaires d’aéroports. Surtout ne pas connaître, de nouveau, le chaos de la saison estivale 2022. Il y a un an, en France, les autorités et Groupe ADP avaient été surpris par la vigueur de la reprise et entendent cette fois anticiper le rush de touristes à venir.
Le ministère de l’intérieur a annoncé, en février 2023, vouloir embaucher 1 300 personnels supplémentaires, dont 865 pour les aéroports. Des gardes-frontières qui auront pour tâche d’épauler la police aux frontières (PAF), du moins en partie, car ils ne contrôleront pas les passeports, mais aideront les passagers à franchir sans trop d’encombre les sas Parafe. En effet, ces passages automatisés seulement compatibles avec les passeports biométriques sont souvent en panne ou fermés faute de personnel de la PAF en nombre suffisant pour les surveiller.
Les renforts annoncés ne sont pas à négliger, car, pendant la crise due au Covid-19, la PAF a aussi réduit le nombre de policiers dans les aubettes et certaines sont aujourd’hui toujours vides. Mais les difficultés de l’été 2022 n’ont pas résulté d’un pic de fréquentation exceptionnel, les aéroports étant loin d’avoir renoué avec leur activité d’avant la pandémie. Le 21 mars, l’Union des aéroports français (UAF) signalait qu’en 2022 les plates-formes aéroportuaires de l’Hexagone avaient seulement retrouvé leur niveau de… 2013. Avec près de 174 millions de passagers, les aéroports ont, certes, connu une hausse de fréquentation de 91,8 % par rapport à 2021, mais elle était encore de 19 % inférieure à celle de 2019, la dernière année avant la crise.
Les embouteillages aux frontières sont, pour une bonne part, liés aux coupes claires dans les effectifs intervenues pendant la pandémie. Près de « 1 400 départs, dont 1 150 dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective et plus de 160 licenciements secs, ont eu lieu au sein de Groupe ADP », rappelle Daniel Bertone, secrétaire général de la CGT chez ADP. Un plan de départs qui n’a pris fin qu’au 31 décembre 2021.
Surtout, ajoute le syndicaliste, la myriade de sous-traitants qui œuvrent sur la plate-forme de Roissy ou sur celle d’Orly a, elle aussi, taillé dans ses effectifs. Des sous-traitants qui peinent actuellement à embaucher faute d’offrir des rémunérations et des conditions de travail attractives. « Ils ne sont pas au niveau de 2019, alors qu’en ce moment le trafic est revenu à 90 % de ce qu’il était avant la crise », souligne le patron de la CGT chez ADP.
Conséquences désastreuses
Cet été, l’accueil des personnes à mobilité réduite, une obligation pourtant pour les aéroports, risque d’être « tendu », redoute M. Bertone. En cause, selon lui, « la défaillance d’un sous-traitant pas à la hauteur », qui a conduit ADP à « relancer l’appel d’offres ». Pour espérer passer cette période sans trop de désagréments, « nous mobilisons tout le monde », avance Edward Arkwright, directeur général exécutif de Groupe ADP.
Le gestionnaire d’aéroports tout comme les compagnies aériennes savent pertinemment que ces engorgements aux frontières peuvent avoir des conséquences désastreuses, avec des annulations de vols comme à l’aéroport d’Heathrow, à Londres, ou à celui d’Amsterdam-Schiphol il y a presque un an.
A l’approche des grands départs estivaux, Groupe ADP tient à embaucher au plus vite les personnels manquants. Il y a un an, le gestionnaire d’aéroports a lancé le programme Aerowork, un portail rassemblant les offres d’emploi dans les métiers de l’aéroport. L’objectif affiché était d’engager 3 000 personnes. Le portail aurait déjà reçu « 5 000 candidatures en une semaine », affirme M. Arkwright, sans préciser combien ont été retenues. Surtout, s’alarme la CGT, d’ici à l’été, « il faudra former ces nouveaux venus ».
Pour la saison qui vient de débuter, ce sont les sas Parafe qui vont surtout aider à fluidifier les passages aux frontières. Fabriqués par Thales, 120 sont déjà installés chez ADP, dont 5 à Orly et 115 à Charles-de-Gaulle. L’entreprise dirigée par Patrice Caine a annoncé en livrer une dizaine « à ADP pour cet été, qui seront installés à Roissy et à Orly ». Cela suffira-t-il ?
Thales assure que Parafe permet un gain de temps « considérable » aux frontières. L’industriel estime qu’un passager met « quinze à vingt secondes pour passer, c’est deux fois plus rapide que devant la PAF ». De surcroît, relève Sébastien Guérémy, son vice-président chargé des solutions d’identité numérique et de vérification, cela nécessite moins de personnels, car « il faut un seul policier pour surveiller cinq sas Parafe alors qu’il en faut un dans chaque aubette ou guérite ».
Daniel Bertone se montre moins optimiste. Avant même l’été, il y a déjà « des files d’attente au terminal 1, celui qui accueille les passagers en provenance ou en partance pour les Etats-Unis ou le Canada ». D’après le syndicaliste, « les policiers de la PAF ne sont pas assez nombreux pour ouvrir toutes les aubettes. Il y a une demi-heure d’attente au terminal 1 ».
Galop d’essai
L’été 2023 pourrait n’être qu’un galop d’essai avant la Coupe du monde de rugby, prévue du 8 septembre au 28 octobre, et surtout avant les Jeux olympiques (JO) de Paris, à l’été 2024. Deux compétitions qui devraient attirer des centaines de milliers de touristes. A l’occasion des JO, ADP a annoncé, mercredi 29 mars, que le nombre de sas Parafe à Orly et Roissy augmenterait de près de 40 %, à 170 appareils.
En outre, afin de limiter les temps d’attente aux frontières, notamment lors des JO, l’UAF table sur le dispositif d’entrée-sortie, « l’Entry-Exit System » promu par l’Union européenne. Ce contrôle automatique des titres de voyage, maintes fois repoussé, devrait être étendu à 53 pays supplémentaires dont les ressortissants disposent de passeports biométriques. Toutefois, l’UAF annonce « être inquiète dans la perspective des JO, car le système central du dispositif n’est pas prêt ».