Aéronautique et formation

Source: Le Monde du 21/04/2023

Au lycée Airbus, à Toulouse, des formations pour devenir « compagnon » de l’avionneur

Unique en France, l’établissement professionnel forme chaque année 500 élèves, du CAP au BTS, aux techniques et à l’esprit de l’entreprise. Avec un taux d’embauche de 95 %

Philippe Gagnebet

TOULOUSE- correspondant

Après son baccalauréat professionnel usinage qu’elle passera cette année, Aurélia Coule, 18 ans, « veut continuer en BTS pour [s]’enrichir ». Valentin Badou, 19 ans, lui, a « hâte de bosser », dans son domaine de prédilection, la chaudronnerie, quand il aura décroché son bac professionnel. Dans leur tenue bleue floquée du logo Airbus, ils ont trouvé ici « une discipline, une bonne ambiance, des professeurs attentifs, des ateliers spacieux et modernes, et une assurance de trouver un travail ».

« Ici », c’est le lycée Airbus. Un établissement unique en France, créé en 1949 dans l’usine de Saint-Eloi, à deux pas du centre-ville de Toulouse, au cœur des usines de l’avionneur. Après la guerre, Louis Casado, un ingénieur, a l’idée d’ouvrir un centre de formation pour les jeunes : l’Ecole professionnelle de l’industrie aéronautique. L’établissement devient privé en 1981, lié par un contrat au ministère de l’éducation, puis sera rebaptisé Lycée professionnel privé de l’industrie aéronautique et « lycée Airbus » en 2006. Avec un objectif clair : « Former des jeunes à partir de 15 ans aux métiers spécifiques de l’aéronautique et à une véritable culture d’entreprise », détaille Nicolas Coadou, 42 ans, directeur de l’établissement.

Electricité, chaudronnerie, usinage, production mécanique, peinture, intégration cabine, les « artisans d’Airbus » sont formés par le biais de plusieurs diplômes, du CAP au BTS, en passant par le bac professionnel. Le lycée, et sa cinquantaine de salariés, reçoit environ 500 élèves par an. « Face aux hausses de production annoncées par Airbus, nous allons même augmenter de 20 % les recrutements de ces élèves », précise M. Coadou.

Le 18 mars, lors de journées portes ouvertes, plus de 1 700 jeunes sont venus découvrir les filières proposées. Avec un invité surprise, Guillaume Faury, le directeur exécutif du groupe. Chaque année, sur 500 candidatures, 120 élèves sont intégrés, après un test de personnalité en ligne, puis un entretien avec un enseignant et un salarié de l’entreprise. Avec une volonté assumée d’ouvrir ces formations à des jeunes filles (15 % des effectifs). Une diversité également recherchée en direction des jeunes issus des zones d’éducation prioritaire.

« Enseignement adapté »

Laetitia Capo, 37 ans, salariée du groupe, bénéficie d’un statut particulier, une clause de mobilité sur trois à huit ans, qui lui permet de revenir enseigner dans le lycée où elle avait elle-même été formée. « Je voulais retrouver cette ambiance, ces notions de transmission, confie-t-elle. Pour les autres disciplines, un contrat avec le rectorat permet d’intégrer des professeurs d’enseignement général.

Face à l’évolution des métiers, la rentrée 2023-2024 proposera un nouveau CAP « structure », pour l’ossature des avions, puis, l’année suivante, un CAP « intégration cabine ». « On formait trop d’électriciens, on a besoin de plus de polyvalence et de s’adapter aux techniques futures », explique M. Coadou. Dans les salles de classe, où les nombreux ateliers offrent une vue sur les chaînes de l’usine Saint-Eloi, chaque élève bénéficie d’un téléphone portable adapté. Des écrans tactiles géants sont installés. A la fin des cours, chacun prend son balai et nettoie les espaces dans un calme évident.

« On fait de l’enseignement adapté, on leur apprend à bosser ensemble comme sur une chaîne. Surtout, on leur dit qu’on sera certainement amenés à être collègues, ça les rassure énormément », explique Michaël Metch, enseignant en construction mécanique et communication technique.

Se sentir encadré, s’imprégner de la culture Airbus jusqu’à en devenir « compagnon », c’est ce qui a séduit Valentin Badou. A tel point qu’en 2023 il a décroché le titre de meilleur apprenti de France dans un concours national de haut niveau. En 2024, il conservera le petit studio toulousain que le lycée lui a mis à disposition.

Pas d’internat, mais un réseau de petits logements ou de familles d’accueil permet aux élèves de se loger gratuitement, à l’image de l’ensemble de leur scolarité, gratuite. Ils ont surtout l’assurance de trouver un travail à l’issue de leur cursus : 95 % des élèves sortis du lycée sont intégrés chez l’avionneur, dont environ 25 % dans l’usine de Saint-Eloi. Une vie quasiment toute tracée pour les « petites mains » du géant de l’aéronautique.