Travaux à CDG et le bruit à Paris

Source: Le Monde

Paris dérangé par le bruit des avions

Des travaux à Roissy – Charles-de-Gaulle conduisent les avions à un survol plus fréquent de la capitale, y compris la nuit

Guy Dutheil

Il ne suffit plus d’habiter à proximité des aéroports de Roissy – Charles-de-Gaulle ou d’Orly pour subir les nuisances sonores des avions. Depuis quelques mois, les habitants de Paris ont eux aussi le sommeil régulièrement perturbé par les passages répétés d’avions. 

« C’est le conflit en Ukraine » qui a tout déclenché, explique Catherine Bouvier, secrétaire de l’Association de défense contre les nuisances aériennes (Advocnar). Elle assure que son association reçoit « depuis plusieurs mois de plus en plus de plaintes de Parisiens » qui pestent contre les passages bruyants d’appareils en pleine nuit au-dessus de la capitale. L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa) « confirme l’augmentation du nombre de plaintes ».

Comme ce vol cargo, de la filiale belge de la compagnie ASL Airlines, parti peu avant 5 h 30, jeudi 12 octobre, depuis Roissy pour rejoindre Porto (Portugal) et qui a réveillé une bonne partie de l’est et du nord de la capitale. Selon l’Advocnar, pour réduire leur consommation de kérosène, dont les prix se sont envolés après le déclenchement de la guerre en Ukraine, les compagnies aériennes auraient fait passer des consignes d’économies à leurs pilotes. Notamment avec l’utilisation de logiciels qui visent à réduire la consommation des avions dans leur phase de montée, c’est-à-dire principalement au décollage.

« C’est faux », s’étrangle un pilote d’Air France, qui jure que les navigants respectent les procédures définies par la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Celles-ci prévoient que les appareils ne peuvent survoler Paris en dessous de 6 000 pieds, soit 1 950 mètres. « Nous ne pouvons pas aller plus bas », se défend ce pilote.

Absence de couvre-feu

En fait, ce sont des travaux à Roissy qui seraient à l’origine des nuisances sonores dans le ciel parisien. Depuis 2022, Groupe ADP a fermé pour travaux les deux pistes parallèles, appelées doublet, du nord de l’aéroport. La plus longue des deux servant au décollage, les avions sont donc obligés de se rabattre sur les deux pistes situées plus au sud. « Soixante pour cent du temps », a constaté Gilles Leblanc, président de l’Acnusa, les avions décollent face à l’ouest. Ensuite, « ceux qui se dirigent vers l’est, Genève, Rome, Istanbul ou Dubaï, par exemple, vont effectuer leur virage au-dessus d’Epinay-sur-Seine, avant de survoler la capitale », poursuit le patron de l’autorité de régulation.

C’est à ce moment qu’ils importunent les Parisiens. Ces derniers mois, « il y a plus de population touchée », admet l’autorité indépendante. Cette dernière a effectué une étude comparative sur les mois de juin de 2019, 2022 et 2023, qui montre, en moyenne, une forte hausse « des survols journaliers » par l’ouest depuis Roissy. Ils sont passés de 168 survols quotidiens en 2019, dernière année avant la pandémie de Covid-19, à 189 en 2022 et 142 en 2023.

Des survols qui ont souvent lieu la nuit. Contrairement à Orly, la plate-forme de Roissy n’est pas soumise « à un couvre-feu nocturne », précise Groupe ADP, gestionnaire des aéroports parisiens. A Roissy, le trafic de nuit, entre 0 h 30 et 5 heures, est plafonné à 17 000 créneaux de décollages et d’atterrissages et réservé uniquement au fret. Le transport des passagers n’est pas autorisé entre 23 heures et 5 heures du matin. 

Des associations, comme l’Advocnar, demandent « à ADP de ne plus accepter les avions les plus bruyants, souvent les plus anciens, qui datent de plus de trente ans », indique Mme Bouvier. Les riverains ne décolèrent pas non plus contre les avions qui arrivent hors délais, en pleine nuit. « Depuis la crise sanitaire, une fois sur deux, ce sont des compagnies low cost qui sont responsables des vols en débordement », souligne M. Leblanc. A ces fautives, l’instance inflige jusqu’à 40 000 euros d’amende par infraction.