Air France délaisse Orly pour Roissy

Source: Le Monde ( voir aussi https://www.aerotime.aero/articles/air-france-restructures-domestic-network-announces-plans-to-leave-paris-orly? )

Air France quitte Orly et regroupe ses activités à l’aéroport de Roissy

Ce déménagement, voulu par le patron de la compagnie, devrait prendre plus de deux ans

Guy Dutheil

En pleines célébrations de son quatre-vingt-dixième anniversaire, Air France a décidé de déménager. Selon nos informations, c’est le Canadien Ben Smith, aux commandes de la compagnie aérienne depuis 2018, qui a pris la décision de lui faire quitter son aéroport historique d’Orly pour regrouper ses activités à Roissy – Charles-de-Gaulle.

L’annonce de ce déménagement devait être faite, mercredi 18 octobre, lors de plusieurs comités sociaux et économiques (CSE) du groupe. Avant même la tenue de ces réunions, les syndicats estiment que le sort en est jeté : « Orly, pour Air France, c’est mort ! C’est une partie de l’histoire qui est en train de s’en aller », se désole déjà Laurent Dahyot, secrétaire général de la CGT-Air France. 

Ce déplacement vers l’aéroport de la grande banlieue nord de la capitale a commencé, « car le vol vers Cayenne [en Guyane] a déjà été transféré », signale M. Dahyot. Dans les prochains mois, « tous les vols d’Air France vers les Antilles » partiront de Roissy, prévoit la CGT. Aujourd’hui, outre les destinations antillaises et La Réunion, Air France opère aussi, depuis Orly, des lignes vers la Corse, selon le principe de la délégation de service public, et ses trois « navettes », vers Marseille, Nice et Toulouse.

Le retrait d’Air France de son bastion d’Orly est un mouvement engagé de longue date. Il a commencé par le plan de restructuration du réseau intérieur de la compagnie, quand la filiale Hop !, chargée des liaisons court-courriers, a vu, pendant la pandémie de Covid-19, ses activités transférées d’Orly vers les plates-formes de Roissy et de Lyon.

« Rotations moins remplies »

Dans quelques mois, Air France ne sera plus représentée à Orly que par sa filiale à bas coût Transavia. Les syndicats redoutent « une baisse d’activité sur le réseau national au profit de Transavia et peut-être même d’autres compagnies aériennes ». Ils ne craignent pas que la compagnie abandonne des destinations, mais qu’elle réduise ses fréquences vers certaines villes. En effet, note M. Dahyot, « Air France exploite déjà depuis Roissy des liaisons intérieures, notamment vers Marseille ».

Ces destinations servent à Air France à alimenter son hub de Roissy. En pratique, quand la compagnie effectue cinq allers-retours quotidiens vers Marseille depuis cet aéroport, elle en exploite aussi sept, chaque jour, avec sa navette vers Marseille depuis Orly. « Demain, une fois à Roissy, Air France va-t-elle conserver les douze rotations quotidiennes vers Marseille ou diminuer l’activité ? », s’interroge le syndicat. Pire, fait-il savoir, l’alimentation du hub de Charles-de-Gaulle aurait déjà commencé à peser sur les taux de remplissage des navettes d’Orly. « Les rotations y sont moins remplies que celles de Roissy », constate Laurent Dahyot. Interrogée, la direction d’Air France s’est refusée à tout commentaire, réservant la primeur de ses informations aux différents CSE, mercredi.

Le départ vers Roissy devrait prendre plus de deux ans. En effet, la compagnie ne veut pas abandonner ses créneaux de décollage – ses « slots » – à la concurrence. Pour ne pas les perdre, elle doit les utiliser à« au moins 80 % », précise un pilote. Le transfert vers l’aéroport Charles-de-Gaulle se fera donc au rythme de la montée en puissance de la flotte de Transavia, qui compte aujourd’hui soixante et onze appareils. Elle devra ouvrir de nouvelles destinations pour reprendre les slots aujourd’hui utilisés par la douzaine d’avions aux couleurs d’Air France à Orly.

« Il y aura de la casse »

La raison de ce transfert d’activité ? Tailler dans les coûts. L’exploitation de Transavia revient beaucoup moins cher que celle d’Air France. Les organisations syndicales, à l’instar de la CGT, redoutent « une baisse d’activité de 30 % à 40 % sur les trois escales de Nice, Marseille et Toulouse. Nous avons très peur pour les bases de province », déplore M. Dahyot. Il faut dire qu’elles emploient plusieurs centaines de salariés : 300 à Marseille et à Toulouse, et environ 400 à Nice. « Il y aura de la casse, c’est inévitable, car ces trois bases sont alimentées à 70 % par Orly », souligne la centrale syndicale.

De plus, « les navettes vers ces trois bases ne sont pas rentables depuis Orly », précise un pilote. Ces destinations ont beaucoup souffert, après la survenue de la crise sanitaire, de la montée en puissance du télétravail et de la diminution des voyages d’affaires. Selon le syndicat, les 500 salariés d’Air France aujourd’hui employés à Orly seront aussi touchés. Certains, notamment les plus jeunes, devraient se voir proposer d’aller travailler à Roissy.

Pour les réfractaires à la mobilité, il ne devrait pas y avoir de plan de départs volontaires ni, surtout, de licenciements secs. En revanche, la direction pourrait activer un dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC). Une RCC contenue dans un précédent accord signé par les seules CFDT et CGC, mais dénoncé par la CGT au motif que les deux syndicats n’avaient pas obtenu au moins 50 % des voix aux élections professionnelles de 2019.