Batterie à électrolyte solide: une longue marche

Toyota, entre le Graal et l’arlésienne

PERTES & PROFITS | AUTOMOBILE

Par Philippe Escande. Le Monde du 25/10/2023

L’innovation est affaire de timing. On en parle toujours trop tôt et on se réveille toujours trop tard. Kodak a été pionnier pour parler de la photo numérique, comme IBM de l’Internet et Nokia du smartphone. Ils ont cherché le Graal dont tout le monde parlait, ont cru le posséder et avoir le temps de l’améliorer, mais ont échoué. La même séquence se répète aujourd’hui dans la voiture électrique. Et Toyota n’a pas du tout envie d’être le Nokia des années 2030.

Le Graal est connu : il se nomme batterie solide. Une technologie radicalement différente des objets actuels. Elle permettrait de diminuer la taille le coût et le poids des batteries qui, actuellement, représentent plus du tiers du prix d’une automobile électrique. Elle porte à elle seule la promesse d’une autonomie de plus de 1 000 kilomètres, d’un temps de recharge de dix minutes, de l’élimination du risque d’incendie et d’un prix plus faible. De quoi bouleverser le monde du transport dans les dix ans à venir.

En bon croisé, Toyota y croit dur comme fer. A tel point que, depuis six mois, il communique à intervalles réguliers sur sa quête, assurant chaque fois s’approcher plus près du but. En juin, il affirme être en mesure de commercialiser des batteries solides en 2027. Puis, en juillet, il confirme sa prévision. En septembre, il convie journalistes et investisseurs dans l’une de ses usines pour prouver son engagement. En octobre, enfin, il confirme son objectif d’une production en masse pour 2027-2028.

Persévérance industrielle

En retard sur les véhicules électriques actuels, le premier constructeur mondial tente de remonter la pente, au moins en matière de communication. Les mauvaises langues rappellent qu’en 2017, il prévoyait une production pour 2025 et que, depuis dix ans, la production de masse est régulièrement annoncée dans les cinq ans.

Car la difficulté de fabriquer un électrolyte solide est grande. Tous les constructeurs et équipementiers sont sur cette affaire. Le plus en avance pourrait encore être un chinois, le leader mondial CATL, qui promet une version « semi-solide » pour la fin de 2023. Samsung, BMW, Nissan, et même le fabricant d’aspirateurs Dyson, construisent des lignes pilotes.

Comme dans le cas du passage des écrans cathodiques aux écrans plats, la différence se fera par la persévérance industrielle à réduire les coûts et à accroître la qualité suffisamment vite. Les coréens avaient gagné la bataille des écrans. Qui trouvera ce nouveau Graal le premier ? Pour l’instant, il ressemble plutôt à la belle arlésienne dont tout le monde parle, mais que l’on ne voit jamais. La course est lancée.

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