Le Monde
Fourniture de F-16 à Kiev: la formation des pilotes s’accélère
L‘Ukraine espère que l’arrivée des avions de chasse promis par plusieurs pays permettra de desserrer l’étau russe autour de la ligne de front
Cédric Pietralunga
Les F-16 sont arrivés ! » Durant quelques heures, le 22 décembre 2023, la rumeur a couru sur les réseaux sociaux. L’armée de l’air ukrainienne venait, en une seule journée, d’abattre trois chasseurs-bombardiers russes Soukhoï Su-34 dans le sud du pays, dans la région de Kherson. Une prouesse inédite depuis le début de la guerre, qui ne pouvait avoir été réalisée qu’avec les aéronefs occidentaux promis à Kiev, estimaient un certain nombre de comptes pro-ukrainiens… avant de déchanter devant l’absence de preuves.
Si aucune image ni déclaration ne sont venues étayer cette rumeur – l’hypothèse de missiles tirés par une batterie antiaérienne Patriot est désormais privilégiée –, sa propagation montre l’impatience avec laquelle les Ukrainiens guettent leurs premiers F-16. Bien que conçu dans les années 1970, le chasseur américain dit de quatrième génération permettrait de desserrer l’étau russe autour de la ligne de front, estime-t-on à Kiev.
Le rayon d’action de son radar, beaucoup plus important que celui des avions d’origine soviétique dont dispose aujourd’hui l’Ukraine (essentiellement des Mig-29 et des Su-25 ou Su-27), et la qualité de ses missiles air-air repousseraient de facto les hélicoptères et les avions ennemis, les empêchant de bombarder les troupes ukrainiennes au sol, comme ils le font actuellement.
Jusqu’à présent, quatre pays se sont engagés à envoyer des F-16 à l’Ukraine : la Belgique, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas. Tous disposent d’exemplaires anciens ou déjà sortis de leurs arsenaux, mais dont le nombre maximum d’heures de vol n’a pas encore été atteint. Les Occidentaux entretiennent le flou sur le nombre d’appareils qu’ils devraient livrer, mais il pourrait atteindre la soixantaine, estime-t-on dans les milieux militaires.
Les Pays-Bas ont déjà transféré cinq d’entre eux en Roumanie, après avoir enlevé de leurs fuselages les cocardes du pays. En août 2023, le Danemark s’était aussi engagé à livrer six premiers exemplaires – sur dix-neuf promis – autour du Nouvel An, mais le ministère danois de la défense a indiqué, samedi 6 janvier, qu’ils ne le seraient finalement qu’au deuxième trimestre 2024.
C’est surtout en matière de formation des pilotes et des équipes au sol – il faut une douzaine de techniciens au minimum pour chaque avion – que les choses s’accélèrent. Le 2 janvier, la Norvège a annoncé l’envoi de deux F-16 biplaces sur la base aérienne de Skrydstrup, au Danemark, pour entraîner les aviateurs ukrainiens. Dix instructeurs les accompagnent. Le 4 janvier, la Belgique a assuré qu’elle enverrait elle aussi deux exemplaires de l’avion de combat léger américain et une cinquantaine de personnels au Danemark, entre mars et septembre, pour y poursuivre la formation des Ukrainiens.
Travaux pratiques
Membre de la coalition d’une douzaine de pays impliqués dans le programme de cession de F-16, le Royaume-Uni a de son côté annoncé, le 26 décembre 2023, qu’un premier groupe de six pilotes ukrainiens avait terminé une formation « de base » outre-Manche et rejoignait le Danemark pour passer aux travaux pratiques. « Il s’agit d’un programme rapide et efficace visant à doter les pilotes ukrainiens des compétences dont ils ont besoin dans la guerre contre la Russie », s’est félicité le ministre ukrainien de la défense, Rustem Umerov. Depuis plusieurs mois, la France prodigue elle aussi des formations théoriques à des pilotes ukrainiens mais refuse de les détailler.
C’est aux Etats-Unis que le programme de formation semble toutefois le plus avancé. Selon le Pentagone, un « petit groupe » d’aviateurs ukrainiens s’entraîne depuis le mois d’octobre sur une base de la garde nationale située à Tucson (Arizona). Interrogé lors d’une conférence de presse le 4 janvier, le général Pat Ryder, porte-parole du ministère américain de la défense, a refusé de dire quand ceux-ci seront opérationnels et prêts à rentrer en Ukraine, précisant qu’il leur fallait « cinq à huit mois » de formation, selon le niveau du pilote. « Mais cela pourrait aller plus vite. Certains sont capables de mener des missions de base au bout de trois mois », nuance une source militaire européenne.
Est-ce à dire que des F-16 pourraient opérer dans le ciel ukrainien avant la fin de l’hiver ? En octobre, le secrétaire à la défense, Lloyd Austin, avait indiqué qu’une première livraison à Kiev de l’avion de combat ne pourrait intervenir « au plus tôt » qu’au printemps prochain. Les premiers pilotes obtiendront leur diplôme « un peu plus tard cette année », a de son côté avancé le général Pat Ryder, sans plus de précision. « De toute façon, il n’y aura pas d’annonce officielle, estime une source militaire française. On apprendra la livraison des F-16 quand on les verra voler en Ukraine. »