Boeing et les risques juridiques

Source: Les Echos

Source: Le Monde du 14/03

Aérien : un rapport accable le processus industriel de Boeing

Une série de défaillances ont mené au grave incident de l’Alaska Airlines, le 5 janvier

Arnaud Leparmentier

NEW YORK- correspondant

Le rapport accablant a été révélé par le New York Times (NYT), mardi 12 mars : sur quatre-vingt-neuf audits réalisés pour tester ses procédures industrielles, Boeing a défailli trente-trois fois. Il s’agit du résultat des enquêtes diligentées par la Federal Aviation Authority (FAA), dans la foulée du très grave incident d’Alaska Airlines, qui avait vu la porte-bouchon d’un boeing 737 MAX 9 s’envoler dans les airs en plein vol, le 5 janvier.

Dans un communiqué publié début mars, la FAA laissait déjà entendre que les résultats étaient désastreux pour l’avionneur et le fournisseur de son fuselage, Spirit AeroSystems : « L’audit (…) a révélé plusieurs cas dans lesquels les sociétés n’auraient pas respecté les exigences de contrôle de qualité de fabrication. » « La FAA a donné à Boeing quatre-vingt-dix jours pour présenter son plan d’action », a précisé l’organe de contrôle.

La FAA, révèle le NYT, a également mené treize audits chez Spirit AeroSystems, dont sept se sont soldés par un échec. Il donne l’exemple d’ouvriers utilisant une carte magnétique de chambre d’hôtel pour tester un joint de porte. Les experts de la FAA ont aussi vu des ouvriers utiliser du savon liquide comme lubrifiant pour installer un joint de porte, avant de le nettoyer avec un chiffon humide, indique le document, notant que les instructions étaient « vagues et peu claires sur les spécifications-actions à suivre ou à enregistrer par le mécanicien ».

Un porte-parole de Spirit a déclaré au quotidien que la société « examinait toutes les non-conformités identifiées en vue de mesures correctives », tandis que Boeing assurait continuer « à mettre en œuvre des changements immédiats et à élaborer un plan d’action complet pour renforcer la sécurité, et renforcer la confiance de nos clients et de nos passagers ».

L’affaire est de plus devenue potentiellement pénale, avec une enquête du ministère fédéral de la justice, qui a déjà interrogé les pilotes et le personnel navigant du vol d’Alsaka Airlines. L’enjeu est aussi de savoir si l’avionneur a respecté ses engagements après les catastrophes des 737 MAX de 2018 et 2019. Le FBI et le ministère des transports avaient mené une enquête qui avait révélé des manquements et dissimulations. L’affaire avait abouti à une pénalité de 2,5 milliards de dollars (près de 2,3 milliards d’euros) en 2021 pour Boeing et une mise à l’épreuve, tandis qu’un ancien pilote avait été poursuivi, avant d’être acquitté en 2022.

Défiance médiatique

Les relations avec Boeing sont tendues, comme l’a révélé une audition au Sénat de la patronne du National Transport Safety Board, le conseil national de la sécurité des transports. Sa présidente, Jennifer Homendy, a déclaré que Boeing n’avait toujours pas fourni aux enquêteurs les noms des vingt-cinq employés qui travaillent sur les portes-bouchons dans son usine de Renton (Etat de Washington), ainsi que les documents sur le travail en usine lié au retrait et à la réinstallation des bouchons de porte. « Nous n’avons pas les dossiers. Sans ces informations, cela soulève des inquiétudes en matière d’assurance qualité, de gestion de la qualité et de systèmes de gestion de la sécurité », a déclaré Mme Homendy, le 6 mars, devant la commission sénatoriale du commerce.

« Nous avons maintenant fourni la liste complète des personnes faisant partie de l’équipe de porte du 737, en réponse à une demande récente », a répliqué dans la foulée Boeing. L’enquête a révélé que quatre vis fermant la porte-bouchon n’avaient tout simplement pas été remises en place par Boeing après une intervention sur l’appareil neuf en septembre 2023.

Industriellement, Boeing est en discussion avec Spirit AeroSystems. Cette ancienne filiale de Boeing, installé à Wichita (Kansas), avait été séparée du groupe pour permettre plus de flexibilité dans les commandes. « Nous confirmons que notre collaboration a abouti à des discussions préliminaires sur l’intégration de nouveau de Spirit AeroSystems », a déclaré Boeing le 1er mars.

L’avionneur fait désormais l’objet d’une défiance médiatique généralisée et chaque incident fait la « une » des journaux, qu’il s’agisse d’une roue de train d’atterrissage tombée d’un 777 au décollage de San Francisco, le 7 mars, ou d’un piqué d’un Dreamliner 787 sur le Pacifique entre Sydney (Australie) et Auckland (Nouvelle-Zélande), le 11 mars.