Boeing et les lanceurs d’alerte

Sources: Le Monde et https://www.aerotime.aero/articles/boeing-whistleblower-salehpour-faa?

Nouvelles révélations sur la « culture sécuritaire » de Boeing

Guy Dutheil

Nouveaux déboires pour Boeing. Ses trois principaux modèles, le moyen-courrier 737 et les deux long-courriers 787 Dreamliner et 777, sont désormais visés par une enquête des autorités fédérales américaines de l’aviation civile (FAA). C’est Sam Salehpour, un ingénieur qualité, en poste depuis dix ans, qui a donné l’alerte en signalant des « défaillances de production alarmantes et dangereuses ».« Nous enquêtons de manière approfondie sur tous les signalements », a annoncé le régulateur, réagissant à des informations publiées mardi 9 avril par le New York Times.

Le lanceur d’alerte a constaté des « raccourcis » dans le processus d’assemblage du 787 Dreamliner. Les deux tronçons qui forment le fuselage de l’appareil seraient mal ajustés. Après plusieurs milliers de vols, il pourrait se produire une « déformation des matériaux composites (…), pouvant altérer les performances d’usure sur le long terme ». A la longue, l’avion pourrait se disloquer en plein vol.

M. Salehpour a aussi mis en cause les « nouvelles procédures d’assemblage » du 777. Mises en place sans procéder « à la nécessaire reconception des pièces concernées, [elles] ont entraîné un mauvais alignement des pièces », a ajouté le lanceur d’alerte. L’ingénieur qualité a aussi, dans un courrier adressé le 17 janvier à la FAA par ses avocats, accusé la direction de Boeing « d’avoir, de manière répétée, ignoré des inquiétudes graves concernant la sécurité et le contrôle qualité dans la construction des 787 et des 777 ». Il doit être auditionné le 17 avril par le Sénat américain à l’occasion d’une séance intitulée « Examen de la culture sécuritaire brisée de Boeing : récits de témoins directs ».

L’avionneur a rejeté les accusations de son employé et affirmé avoir « toute confiance dans le 787 Dreamliner », ainsi que « dans la sûreté et la durabilité de la famille 777 » ; « Les problèmes signalés ont fait l’objet d’un examen d’ingénierie rigoureux sous surveillance de la FAA. » Boeing réfute aussi les problèmes d’usure prématurée de son 787 Dremaliner, l’avion ayant été testé « sans signe de fatigue » jusqu’à 165 000 cycles ou volsBien plus qu’il n’en faut, selon lui, puisque le plus ancien modèle, en service depuis 2012, n’a accumulé que 16 500 cycles soient autant de vols.

Pour Boeing, ces révélations tombent au plus mal. Le constructeur était déjà sous le feu des critiques des autorités après les multiples incidents qui ont affecté les différentes versions de son moyen-courrier 737. Les régulateurs de l’aviation aux Etats-Unis avaient déjà identifié des problèmes de « non-conformité » concernant la famille du 737 et avaient exigé de l’avionneur qu’il les résolve. La série noire, commencée en 2019 après les deux crashs de son 737 MAX qui avaient causé la mort de 346 passagers et membres d’équipages, s’est brutalement poursuivie le 5 janvier, après qu’un 737 MAX de la compagnie Alaska Airlines a perdu une porte en plein vol.