Boeing MAX: « plaider coupable »

Source: Le Monde

737 MAX : Boeing trouve un accord avec la justice américaine

L’avionneur évite ainsi un procès pénal embarrassant dans le cadre des deux accidents du 737 MAX qui ont fait 346 morts en 2018 et 2019

Guy Dutheil

Les autorités américaines se démènent pour tenter de sortir Boeing de l’ornière. Le département américain de la justice a proposé à l’avionneur un accord, qu’il a finalement accepté, dimanche 7 juillet, pour régler le dossier pénal des accidents survenus sur deux appareils 737 MAX, l’un de la Lion Air, en octobre 2018, l’autre d’Ethiopian Airlines, en mars 2019. Deux crashs qui avaient causé la mort de 346 passagers et membres d’équipage. « Nous avons conclu un accord de principe sur les termes d’une résolution avec le ministère de la justice », a indiqué Boeing, lundi 8 juillet. La proposition faite à l’avionneur est « un accord de plaider coupable pour complot en vue de tromper la FAA », l’agence fédérale américaine de l’aviation.

L’objectif des procureurs est d’éviter à Boeing un procès pénal avec les familles des victimes des deux accidents. Ce nouvel accord vient, en quelque sorte, se substituer à un précédent accord dit de poursuite différée, conclu avec les autorités en 2021. Ce dernier imposait à Boeing de revoir ses procédures de production après les crashs des deux 737 MAX. Mais selon la justice, il n’en a rien été. Au contraire, plusieurs audits menés depuis ont mis en lumière des problèmes de non-conformité et, surtout, des errements dans les contrôles de qualité de la production. Plusieurs lanceurs d’alerte ont, ainsi, récemment porté de graves accusations contre Boeing.

A l’exemple de Sam Salehpour, ingénieur qualité depuis dix-sept ans chez l’avionneur, qui a dénoncé, devant une commission sénatoriale, début 2024, « une culture qui donne la priorité aux cadences de production plutôt qu’à la sécurité et à la qualité ». Selon les termes du premier accord, l’avionneur s’était engagé à verser une amende de 2,5 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros) en échange d’une immunité contre des poursuites pénales. Une entente soumise à une période probatoire de trois ans, arrivée à son terme en 2024.

Contrats militaires

Il y a quelques jours, Boeing a reçu une proposition d’accord du ministère de la justice. Il devait transmettre sa réponse « au plus tard le 7 juillet » à un juge fédéral d’un tribunal du Texas. Pour entrer en vigueur, cet accord doit encore être approuvé par le juge fédéral. Sans surprise, les familles des victimes se sont déclarées « très déçues » par cette procédure. Elles devraient demander au tribunal de refuser cet arrangement lors d’une prochaine audience.

Pas sûr que le juge texan entende leurs arguments. En effet, la procédure du plaider-coupable semble bien plus avantageuse pour les autorités américaines comme pour Boeing. Avec ses dispositions prévues à l’avance, elle permet d’aller vite et évite aux deux parties les incertitudes et la médiatisation d’un long procès. Elle offrirait aussi à l’avionneur le moyen de passer outre le paiement d’énormes indemnités aux familles des victimes.

Avec cet accord, Boeing devrait débourser moins d’un demi-milliard de dollars et s’engager à investir au minimum 455 millions de dollars dans des « programmes de conformité et de sécurité » pour remettre à niveau ses productions. Devrait également s’ajouter à cela la nomination d’un superviseur indépendant pour une durée de trois ans. Il aura pour tâche de veiller à ce que Boeing renoue avec les standards de production autant en termes de qualité que de quantité.

Changement de gouvernance

Une condamnation aurait aussi pu avoir comme effet indirect de priver Boeing des contrats militaires passés par le gouvernement américain avec sa branche défense. Depuis 2019, les autorités d’outre-Atlantique n’ont jamais privé l’avionneur de leur soutien avec des contrats militaires, ou avec la branche espace de Boeing. En 2023, ils ont représenté un tiers de son chiffre d’affaires. Un appui plus que bienvenu alors que les comptes de l’avionneur étaient toujours déficitaires à la fin 2023.

Boeing n’est pas non plus au mieux sur le plan industriel. Depuis le début de l’année, ses cadences de production souffrent, faute de pouvoir recruter du personnel qualifié en nombre suffisant. S’ajoutent à cela les ennuis opérationnels. Ces derniers ont commencé début janvier, après qu’une « porte bouchon » a explosé à haute altitude lors d’un vol de la compagnie Alaska Airlines. Depuis, il semble ne pas se passer une semaine sans qu’un Boeing soit victime d’un incident. Lundi 1er juillet, un 787 Dreamliner de la compagnie Air Europa a dû se poser d’urgence au Brésil après avoir traversé des turbulences, qui ont fait une quarantaine de blessés. Lundi 8 juillet, c’est la FAA qui a enjoint Boeing de faire vérifier les générateurs d’oxygène de plus de 2 600 de ses 737 « d’ici 120 à 150 jours ». Le régulateur aurait découvert qu’un adhésif qui fixe les masques serait défectueux.

Sans surprise, les ennuis qui accablent Boeing depuis cinq ans vont chambouler sa gouvernance. Le PDG Dave Calhoun, poussé vers la sortie, quittera ses fonctions à la fin de l’année, après avoir touché une rémunération de 33 millions de dollars pour 2023. Il pourrait être remplacé par un industriel chargé de relancer Boeing sur ses fondamentaux, c’est-à-dire la production d’avions et non la recherche effrénée de la rentabilité.

Source: Les Echos

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