La météo en France … en 2100

Source: Le Monde

A quoi ressemblera le climat dans une France à + 4 0C

Météo-France publie des données sur les températures et les pluies dans le pays pour 2030, 2050 et 2100

Audrey Garric

A la fin du siècle, la région parisienne pourrait connaître le climat actuel de Montpellier tandis que la moitié sud subirait celui de l’Andalousie… Voilà deux exemples de ce à quoi ressemblerait le climat dans une France à + 4 0C, selon un rapport de Météo-France publié mardi 10 décembre.

En 2023, le gouvernement a fixé une trajectoire de référence pour l’adaptation au réchauffement climatique : il s’agit de se préparer à une hausse du thermomètre de 2 0C en 2030, 2,7 0C en 2050 et 4 0C en 2100 en France métropolitaine par rapport à l’ère préindustrielle. Le monde est, en effet, sur une trajectoire de + 3,1 0C à la fin du siècle en cas de poursuite des politiques actuelles. Cela revient à une hausse du mercure de 4 0C en France hexagonale, alors que l’Europe se réchauffe plus vite que la moyenne. La France a ainsi déjà gagné + 1,8 0C, contre + 1,3 0C pour l’ensemble du globe.

Scénario « intermédiaire »

Ce scénario, considéré non pas comme « pessimiste » mais « intermédiaire », sert de base au 3e Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), en consultation jusqu’à la fin du mois. Dans ce cadre, Météo-France a été chargé de produire les indicateurs décrivant le climat et ses aléas aux trois horizons 2030, 2050 et 2100. L’organisme livre ses premières données, sur les températures et les précipitations.

Le réchauffement ne sera pas uniforme, ni sur l’ensemble du territoire ni dans l’année. Les cartes montrent une différence de l’ordre de 1 0C en fin de siècle entre le sud-est du pays ainsi que les Alpes, qui se réchauffent davantage, et le nord-ouest du pays, un peu moins. Le réchauffement est également environ 1 0C plus élevé en été qu’en hiver. Au total, la température moyenne annuelle sur la France (jour et nuit et toutes saisons confondues) pourrait atteindre 14,2 0C, contre 10,9 0C sur la période de référence 1976-2005, avec des pointes à 15 0C sur l’agglomération parisienne et au-delà de 18 0C sur la moitié sud.

Lors de la saison estivale, le sud-est et l’est du pays vireront au rouge cramoisi : les températures maximales pourraient grimper de + 5 0C à + 7 0C par rapport à 1976-2005 (soit + 5,6 0C à + 7,6 0C comparé à l’ère préindustrielle). Le climat se réchauffe davantage en altitude, dans les Alpes et les Pyrénées, dans une forme de cercle vicieux : la disparition de la neige réduit le réfléchissement des rayons du soleil et, sans cette protection, les sols s’assèchent et chauffent plus vite.

« Penser au climat de Montpellier ou de l’Andalousie pourrait être attractif, mais la vision touristique est faussée », prévient Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo-France. L’image de carte postale masque notamment les longues vagues de chaleur qui frappent le sud de l’Espagne, dès le mois de mai et jusqu’à octobre, et les sécheresses tout aussi sévères. « Il faudra faire évoluer nos villes, pour qu’elles supportent ces canicules, revoir la gestion de l’eau, l’agriculture ou les systèmes de santé », poursuit-il.

Du côté des précipitations, les projections anticipent un cumul stable à l’échelle de la France en 2100, avec une légère augmentation sur le quart nord-est et une petite baisse sur le sud-ouest. « Les précipitations utiles, c’est-à-dire la différence entre la pluie et l’évaporation, vont toutefois diminuer sous l’effet de la hausse des températures », précise Jean-Michel Soubeyroux.

Cette moyenne masque par ailleurs de forts contrastes selon les saisons. En hiver, les pluies devraient augmenter de 15 % à l’échelle du pays à la fin du siècle. La hausse atteindrait même + 45 % sur toute la moitié nord (sauf la Bretagne) si l’on prend les cumuls non plus médians mais maximum, une éventualité à laquelle il s’agit également de se préparer. En été, la baisse des précipitations atteindrait 20 % sur l’ensemble de la France, avec des sécheresses plus marquées dans le Sud-Ouest. L’incertitude reste forte pour le quart nord-est.

D’ici à un mois, Météo-France poursuivra ce travail, en publiant d’autres indicateurs sur les extrêmes climatiques et leurs conséquences. Le site Climadiag, alimenté par l’organisme, permet d’ores et déjà de se projeter dans une France où le dérèglement climatique aggrave tous les risques. En 2100, Toulouse devrait, par exemple, enregistrer 20 jours très chauds (supérieurs à 35 0C) dans l’année, contre 2 sur la période 1976-2005.

« S’adapter n’est pas une option »

« Imaginer s’adapter à + 4 0C est une gageure, réagit le climatologue Christophe Cassou. Les paysages et les activités économiques n’auront rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Il s’agit de se poser la question dès aujourd’hui de ce qu’on protège et ce qu’on abandonne. »

Le Pnacc propose 51 mesures, notamment une aide aux communes pour mieux lutter contre les inondations, la mise en place d’une stratégie nationale de défense des forêts contre le feu ou des diagnostics de vulnérabilité pour les agriculteurs ou les grandes entreprises d’infrastructures de transport et d’énergie.

« La sécurité sanitaire, alimentaire, sociale est menacée par le changement climatique et s’adapter n’est pas une option pour minimiser les risques,poursuit Christophe Cassou. Mais il ne faut pas oublier que la réussite de l’adaptation dépend du succès de l’atténuation [la réduction des émissions de gaz à effet de serre]. Chaque dixième de degré supplémentaire rend l’adaptation plus complexe, voire impossible, et plus coûteuse. »