2024: une année pluvieuse et très chaude

Source: Le Monde

2024, une année pluvieuse et très chaude

Météo-France constate les effets du réchauffement climatique en dépit d’un ensoleillement en berne

Audrey Garric

Le cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte, clôt de manière dramatique une année déjà marquée par des épisodes extrêmes sur le plan du climat en France. Elle a été marquée par des épisodes de précipitations intenses, entraînant des crues et inondations à répétition, selon le bilan annuel de Météo-France publié jeudi 19 décembre. D’après ces données provisoires, 2024 s’avère à la fois l’année la moins ensoleillée depuis près de trente ans et l’une des dix plus pluvieuses jamais enregistrées, mais également l’une des cinq plus chaudes depuis 1900.

« Du côté des températures, on est dans un mouchoir de poche derrière 2022 et 2023, qui restent les records », précise Matthieu Sorel, climatologue à Météo-France. Signe du changement climatique, neuf des dix années les plus chaudes en France sont postérieures à 2010. A l’échelle planétaire, 2024 s’annonce comme l’année la plus chaude jamais enregistrée, devant 2023, et la première pour laquelle le réchauffement dépasse de 1,5 °C la période préindustrielle, soit l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris.

Ces résultats peuvent sembler éloignés du ressenti des Français lors d’une année très grise et très pluvieuse, une météo qui a alimenté une recrudescence du climatoscepticisme. « C’est la preuve que l’on s’acclimate au réchauffement. On ressent les choses de manière moins objective », estime Matthieu Sorel. Une autre explication dans la différence de perception réside dans le fait que les records ont surtout porté sur les températures minimales. Pau a, par exemple, enregistré 26,9 °C fin novembre au cœur de la nuit. Nice a également connu soixante nuits « tropicales » consécutives, c’est-à-dire dépassant les 20 °C, et Bastia vingt-sept. Des événements néfastes pour la santé humaine car ils empêchent le corps de se reposer.

En journée, la température a fréquemment dépassé le seuil des 40 °C dans différentes villes. « Contrairement à ce qu’on peut entendre, ce n’est pas quelque chose que le pays a toujours connu : au milieu du XXe siècle, on ne comptait quasiment aucune journée à plus de 40 °C ; désormais, c’est chaque année », rappelle Matthieu Sorel. A l’inverse, dans un système de « vases communicants », le mercure n’est jamais descendu en dessous de − 15 °C en plaine, comme en 2023, ce qui était pourtant courant dans les années 1980 et 1990. « Cela illustre la raréfaction du froid en France », poursuit le scientifique. Au total sur l’année, les jours plus chauds que la normale ont été deux fois plus nombreux que les jours plus froids.

« Besoins d’adaptation »

Après des pics de douceur en fin d’hiver et au printemps, le pays a été marqué par deux vagues de chaleur lors de l’été, une première courte et intense entre la fin juillet et le début août et une seconde, plus longue mais moins forte, sur la première quinzaine d’août. Le sud-est de la France a été la région la plus touchée. En cause : une mer Méditerrannée anormalement chaude, qui a dépassé les 30 °C localement.

Dans le climat du futur, la température de 2024 sera considérée comme banale voire fraîche. « La température moyenne annuelle de 2024 serait dépassée plus d’une année sur deux dans une France à + 2,7 °C à l’horizon 2050 et quasi systématiquement dans une France à + 4 °C en 2100 », détaille Virginie Schwarz, la PDG de Météo-France. L’Hexagone s’est réchauffé de 2,2 °C depuis l’ère préindustrielle, dont 1,8 °C imputable aux activités humaines.

« Ce qui est frappant, c’est qu’on est sur un réchauffement particulièrement rapide en Europe et en France métropolitaine : on est proches de ce que l’on attendait au cours de la décennie à venir », remarque la climatologue Valérie Masson-Delmotte. Pour la scientifique, il s’agira de déterminer si d’autres facteurs s’ajoutent aux activités humaines et de réactualiser les niveaux de réchauffement attendus pour la prochaine décennie, afin de « ne pas sous-estimer les besoins d’adaptation ».

Une année chaude, donc, mais aussi humide. Avec plus de 1 000 mm en moyenne sur le pays, 2024 a été excédentaire d’environ 15 % en matière de précipitations. Les pluies abondantes ont constitué un fil rouge de l’année, avec notamment un printemps record depuis 2008 et un mois de septembre le plus arrosé en vingt-cinq ans. L’excédent, qui touche toutes les régions métropolitaines sauf la Corse, est proche de 30 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Poitou-Charentes ou encore en Champagne-Ardenne, et atteint 40 % en Ile-de-France.

Les épisodes intenses se sont enchaînés, entre les inondations dans le Pas-de-Calais en janvier, les crues torrentielles dévastant le hameau de La Bérarde (Isère) en juin, les crues en Seine-et-Marne et Eure-et-Loir dans le sillage de la tempête Kirk ou l’épisode cévenol exceptionnel en Ardèche en octobre. En conséquence, les sols sont restés plus humides que les normales pendant huit mois, de mars à octobre, du jamais-vu depuis plus de trente ans. A l’inverse, certains territoires d’outre-mer, comme la Guyane et Mayotte, subissent une sécheresse sévère.

Bouleversement

Après l’intense sécheresse dans l’Hexagone en 2022, la « succession d’années particulièrement sèches et particulièrement humides est caractéristique du réchauffement climatique, qui entraîne un cycle de l’eau plus intense et plus variable », rappelle Valérie Masson-Delmotte.

L’enneigement à haute altitude (2 400 mètres) dans les Alpes a été remarquablement élevé en 2024, mais déficitaire à 1 500 mètres. Dans les Pyrénées, quelle que soit l’altitude, l’enneigement a été plus bas que les normales.

Quant à l’ensoleillement, il enregistre un déficit très important, d’environ 10 %, proche des valeurs historiquement basses des années 1987 ou 1992, 1993, 1994.

Au-delà des valeurs pour 2024, les tendances sur la dernière décennie démontrent à quel point le dérèglement climatique bouleverse déjà l’Hexagone : le nombre de jours de vagues de chaleur par an a été multiplié par six par rapport à 1961-1990, les conditions propices aux feux de forêt par 2,5, la superficie du territoire en condition de sécheresse par 1,5, tandis que la hauteur de neige moyenne a été réduite de 50 % au col de Porte dans les Alpes.