Danemark, Greenland et F-35A

Source Le Monde

Groenland : la première ministre danoise s’assure du soutien des Européens

Après les menaces de Donald Trump, Mette Frederiksen s’est rendue, mardi, à Bruxelles, Paris et Berlin

Anne-Françoise HivertEt Ph. J.

BRUXELLES, MALMÖ (SUÈDE)- bureau européen, correspondante régionale

Face au président américain, qui ne rate plus une occasion de rappeler qu’il veut « prendre le contrôle » du Groenland, la première ministre danoise, Mette Frederiksen, tient à démontrer que son pays peut compter sur ses alliés. Mardi 28 janvier, la leader sociale-démocrate s’est d’abord rendue à Berlin, pour s’entretenir avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, avant de rencontrer le président Emmanuel Macron, à Paris, puis de terminer sa tournée à Bruxelles, avec le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Mark Rutte.

Dimanche 26 janvier déjà, elle avait publié une photo sur Facebook, la montrant à table, chez elle, entourée des premiers ministres norvégien et suédois, Jonas Gahr Store et Ulf Kristersson, ainsi que du président finlandais, Alexander Stubb, après une réunion de travail informelle. « Il ne faut pas oublier que le Danemark n’est pas seul. Nous avons plusieurs alliés proches avec lesquels nous partageons des valeurs. Et nous appartenons à un continent que nous sommes en bonne voie de rendre encore plus fort », écrivait-elle.

En arrivant à Berlin, mardi matin, Mme Frederiksen a confirmé, sur la chaîne danoise TV2, que son pays n’était pas isolé sur la scène internationale : « Le message clair de nos amis des pays nordiques et d’Europe, mais aussi hors d’Europe, est qu’il faut bien entendu respecter les territoires et la souveraineté des Etats. C’est crucial pour la communauté internationale que nous avons construite ensemble depuis la seconde guerre mondiale. »De son côté, le chancelier allemand a insisté sur le fait que « les frontières ne peuvent être déplacées par la force », évoquant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais aussi – et en anglais – « qui que ce soit qui puisse se sentir concerné ».

« Niveau de menace aggravé »

Cette tournée européenne de Mme Frederiksen intervient dans un contexte de crise diplomatique inédit entre Copenhague et Washington, provoqué par les propos de Donald Trump, qui n’a pas exclu de recourir à la force pour s’emparer du Groenland. Des menaces que le milliardaire aurait réitérées, mercredi 15 janvier, lors d’un entretien téléphonique de quarante-cinq minutes, qualifié de « glacial » par certains témoins, avec la première ministre danoise. « Je pense que nous allons l’obtenir », a-t-il de nouveau déclaré, samedi 25 janvier, à bord de l’avion Air Force One, ajoutant que « ce serait un acte très hostile si [le Danemark] ne permettait pas que cela se produise ».

Depuis Bruxelles, Mme Frederiksen a assuré qu’elle n’avait « aucune raison de croire qu’il existe une menace militaire contre le Groenland et le Danemark ». Mais « je pense que tout le monde en Europe peut voir que ce sera désormais une collaboration différente », a-t-elle constaté, à propos de la nouvelle administration américaine.

Lundi 27 janvier, le Danemark a annoncé qu’il allait investir 14,6 milliards de couronnes (2 milliards d’euros) pour renforcer sa présence militaire en Arctique et en Atlantique Nord. Le plan prévoit notamment l’achat de trois nouveaux navires de surveillance, de deux drones de longue portée dotés de capacités avancées d’acquisition d’images, ainsi qu’un renforcement de ses capacités satellitaires.

« Le service de renseignement de la défense danoise estime que le niveau de menace dans l’Arctique et l’Atlantique Nord s’est aggravé. Il est donc nécessaire de renforcer la présence des forces armées dans les régions », a affirmé le ministre de la défense, Troels Lund Poulsen, qui a précisé que l’accord avait été négocié « en étroite collaboration » avec le Parlement groenlandais et avec celui des îles Féroé.

A Bruxelles, les diplomates danois ont donné la consigne à leurs collègues européens, tant à l’Union européenne (UE) qu’au sein de l’OTAN : laissez-nous faire et, surtout, pas de prise de parole intempestive après les menaces proférées mardi 7 janvier par Donald Trump contre le Danemark. Dès lors, les différentes capitales, mais également les responsables des institutions européennes, ont jusqu’à présent refusé d’entrer dans la polémique.

Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne, tout comme le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, ont ramené le sujet du Groenland à la question de la sécurité de l’Arctique, qui intéresse non seulement la Russie, mais aussi la Chine. Lundi 27 janvier, Kaja Kallas rappelait par ailleurs que « la nouvelle administration parle vraiment le langage de la transaction, et cela signifie qu’il faut toujours négocier sur différentes questions », mais, précisait-elle, « nous ne négocions pas sur le Groenland. Bien sûr, nous soutenons notre Etat membre, le Danemark, et sa région autonome, le Groenland ».

Seul accroc à cette communication unie, la suggestion de Robert Brieger, l’actuel président du comité militaire de l’UE, qui a jeté un froid tant au Danemark qu’au Groenland, qui a quitté l’UE en 1982. Dans un entretien au journal allemand Welt am Sonntag, le général autrichien suggère d’envisager « le stationnement de soldats de l’UE » en complément des soldats américains sur place.

« Si le Danemark sollicite la solidarité des Etats membres de l’Union européenne, la France répondra présente », a, pour sa part, assuré, mardi 28 janvier au matin, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, sur Sud Radio. Avant de préciser : « A ce stade, ce n’est pas le souhait exprimé par le Danemark. »